Petits essais en forme de notules

Malraux définit le lecteur par vocation comme celui qui jouit de «la faculté d'éprouver comme présents les chefs-d'oeuvre du passé»...



Je souscris à cette définition et m'attacherai à présenter ici quelques réflexions au fil de mes lectures qui suivent rarement l'actualité littéraire, pour le plaisir de partager découvertes ou, éventuellement, récriminations... . Quoique, la vie étant bien courte, il vaut mieux, dans la mesure du possible, écarter le désagréable lorsque cela, comme il arrive trop rarement, est en notre pouvoir et vouloir.






vendredi 1 février 2013

Photo de la semaine (41) : mini bibli!



Je ne fréquente pas beaucoup ce que Tilia appelle «Face de bouc», mais il y a un site dont je suis les mises à jour : Improbables librairies, improbables bibliothèques, car les illustrations et les citations qu'on y présente sont toujours en rapport avec le monde du livre, ce qui a, on l'aura deviné, tout pour me plaire. 

J'y ai donc vu, au fil des mois, des bibliobus, des citations de Guitry («Avec tout ce que je sais, on pourrait faire un livre... il est vrai qu'avec tout ce que je ne sais pas, on pourrait faire une bibliothèque.») et mille et une petites choses qui ont réjoui mon quotidien.

J'avais ainsi admiré quelques-unes de ces mini-bibliothèques publiques qui sont une manière d'extension de cette activité, autour de la journée mondiale du livre, le 23 avril, qui consiste à abandonner un livre que l'on a apprécié sur un banc pour que le passant intéressé puisse le lire et le remettre ensuite en circulation.  Je ne savais pas, toutefois, que je trouverais une de ces «mini-biblis» sur mon chemin, en allant prendre mon train.  Ce fut pourtant le cas.

On constatera l'une des particularités de celle-ci qui signe son appartenance à la belle province : nous sommes bilingues indeed, et cela se manifeste même dans cette mini-bibli...

Bonne lecture et bonne semaine


On retrouvera les autres photographes amis d'Amartia sur son blog...



mardi 29 janvier 2013

Il était une fois l'impressionnisme (2)



La température se montrant plus clémente depuis ce matin, nous pouvons reprendre notre visite puisqu'il nous reste encore deux salles à parcourir...

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Troisième salle :


C'est dans cette troisième salle que se trouve en son centre l'une des versions de la petite danseuse de Degas dont je vous ai déjà parlé.  C'est d'ailleurs la seule sculpture de l'exposition.  Ayant lu quelques petites choses à son sujet depuis ma photo de la semaine, j'ajouterai que l'impression mitigée des premières personnes qui la virent, en 1881, vient peut-être du fait qu'elle n'était pas en bronze, mais en cire... Si j'en crois mon expérience dans ce domaine, cela devait probablement ajouter à son réalisme et à son côté «dérangeant».  Je me souviens en effet m'être déjà retrouvée devant Ariane Mnouchkine pour lui dire : 

«Excusez-moi, mais j'ai une question un peu crétine à vous poser.

- Essayez qu'elle ne le soit pas trop!

- Dites-moi, ce n'est pas possible que les comédiens qui jouent Clytemnestre et Égisthe restent aussi longtemps immobiles, n'est-ce pas?

- Vous avez raison : ce sont des effigies en cire.

- Leur perfection est vraiment troublante!

-Effectivement.»

Le Théâtre du Soleil était venu à Montréal présenter la trilogie des Atrides et, j'oublie le titre, peut-être est-ce dans Les Choéphores, assassinés par Oreste, Clytemnestre et son concubin restaient étendus sur leur couche devenue catafalque, et cela durait un bon moment.

Pour en revenir à notre exposition, il n'est peut-être pas innocent que les commissaires aient donné cette place centrale au petit rat de l'opéra de Degas, car le travail de cette jeune danseuse n'avait certainement rien à voir avec le plaisir qu'éprouvent, à Noël, les fillettes sélectionnées pour jouer dans le Casse-noisettes présenté chaque année, depuis des décennies, par les Grands Ballets canadiens  à la Place des Arts!

Cette troisième salle est  en effet consacrée aux « ambiguïtés de l'impressionnisme» quant à son rapport avec les femmes. 

La citation de Renoir, placée en exergue, n'a d'ailleurs rien à envier aux propos de Chrysale dans Les Femmes savantes : si ce dernier considère qu'une femme en sait toujours assez 

Quand la capacité de son esprit se hausse
À connaître un pourpoint d'avec un haut-de-chausse (II,7)

Renoir n'est pas en reste lorsqu'il affirme : «Je les aime quand elles ne savent pas lire et nettoient elles-mêmes le derrière de leurs poupons.»

L'impressionnisme est pourtant, à moins que je ne me trompe -appel aux expertes!- le premier mouvement à accueillir plusieurs femmes dans ses rangs.  Je ne connais ni Eva Gonzalèz, ni Marie Bracquemond, mais j'avais entendu les noms de Mary Cassatt et de Berthe Morisot,  ne serait-ce que parce qu'Aloïs nous a récemment entretenus de sa passion pour cette dernière et pour son entourage.

Je n'avais pas assez de recul, n'ayant apporté qu'un 50mm argentique monté sur mon appareil numérique, pour photographier le Cassatt : Offrant le panal au torero, (1872-1873)



Je vous offre donc la version disponible sur le site du Clark Institute. Par contre, j'ai pu photographier le Berthe Morisot qui lui faisait pendant et en voici une vue rapprochée...


Intitulée Le Bain, cette toile fut présentée à l'exposition impressionniste de 1886.  Le modèle, probablement Isabelle Lambert, regarde le spectateur avec aplomb, et le ruban dont elle s'est parée, de même que le rouge sur ses lèvres indiquent probablement qu'elle s'apprête à sortir. Mon cadrage un peu serré laisse à peine deviner la baignoire qui se trouve à droite de la toile et qui lui donne son titre. On la voit un peu mieux sur ce cliché de l'oeuvre complète...



Cette salle contient également plusieurs oeuvres de Renoir et trois de Degas, mais c'est peut-être cet autoportrait de Renoir, jeune, qui me le rend un peu plus sympathique malgré les propos de lui que j'ai rapportés plus haut. Il a alors trente-quatre ans, et l'on devine un être tourmenté, bien différent de l'homme posé que montre l'autre autoportrait de lui présent dans cette salle et que je connaissais déjà. 



Les traits de l'homme se sont un peu affaissés, processus normal associé au vieillissement que je constate malheureusement moi-même dans la glace ces derniers temps, mais le plus grand changement est ailleurs, dans cette touche devenue beaucoup plus lisse avec l'âge et, à mon goût, beaucoup moins intéressante...

Mais comme il faudra bien que je quitte un jour cette exposition découverte trop tardivement, je vous entraîne maintenant dans la quatrième et dernière salle avant de vous endormir complètement.

Quatrième salle : 


Plus éclectique, cette quatrième salle achemine petit à petit vers le post-impressionnisme, présentant, sur le panneau derrière lequel se trouve la sortie, un Gauguin et un Bonnard...

J'ai rencontré dans cette salle, hormis le toujours présent Renoir, des peintres que je ne connaissais pas ou que je n'aurais pas associé à l'impressionnisme, comme James Tissot par exemple... mais c'est peut-être Boldini qui m'a le plus retenue grâce à deux petits tableaux, représentant ces scènes de genre que j'affectionne.

La première semble croquée sur le vif et s'intitule : En traversant la rue.




C'est une huile sur bois peinte peu de temps après l'arrivée du peintre italien à Paris, entre 1873 et 1875.  J'aime les détails qui entourent le personnage principal : le dandy qui se penche à la fenêtre de son fiacre et, évidemment, le petit chien qui traverse la rue vaquant, lui aussi, à ses affaires.

J'ai toutefois eu un plus grand coup de coeur encore pour cette scène paisible d'intérieur : 



Sobrement intitulée Jeune femme faisant du crochet, cette toile de 1875, une année, donc, après la première exposition impressionniste, me réjouit autant par ce rouge que j'aime tant que par la touche assez libre et, enfin, par le sujet lui-même qui respire une paix qui n'est désormais plus de rigueur dans nos intérieurs hantés par les écrans et par l'affairisme qui laisse bien peu de temps pour les travaux d'aiguilles que ma mère affectionnait tant.

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Voilà un bref survol des oeuvres qui m'ont retenue dans cette exposition maintenant démantelée. Je ne sais trop si nous aurons l'autorisation de photographier dans cette nouvelle exposition, mais c'est bientôt le Pérou qui nous donnera rendez-vous dans les salles du Musée des Beaux-Arts de Montréal.  

Êtes-vous comme moi? j'aurai ici tout à découvrir, car mes connaissances dépassent assez peu ce que j'appris jadis dans Tintin et le Temple du soleil, Hergé demeurant néanmoins toujours un bon point de départ, ne serait-ce que pour la formation à l'amour des images!

P.S. Une petite dernière pour la route...



Cette huile sur bois d'Alfred Stevens date de 1866 et est intitulée : Duchesse (en robe bleue).  Peut-être servira-t-elle à Tilia pour un futur billet...