Petits essais en forme de notules

Malraux définit le lecteur par vocation comme celui qui jouit de «la faculté d'éprouver comme présents les chefs-d'oeuvre du passé»...



Je souscris à cette définition et m'attacherai à présenter ici quelques réflexions au fil de mes lectures qui suivent rarement l'actualité littéraire, pour le plaisir de partager découvertes ou, éventuellement, récriminations... . Quoique, la vie étant bien courte, il vaut mieux, dans la mesure du possible, écarter le désagréable lorsque cela, comme il arrive trop rarement, est en notre pouvoir et vouloir.






mardi 5 juillet 2011

La lecture dans la vie

Pour faire suite à mon billet d'ânesse et réfléchir à nos pratiques de lecteur modifiées (altérées?) par la fréquentation assidue du numérique, écoutez l'émission Répliques de cette semaine sur France Culture.

lundi 4 juillet 2011

Une ânesse et son double...

Vous connaissez  l'histoire de l'âne de Buridan?  Pour ma part, je croyais qu'il était mort faute d'avoir pu choisir entre deux bottes de foin, mais, vérification faite, c'est plutôt entre son picotin d'avoine et son seau d'eau qu'il n'arrivait pas à se décider... Je préférais toutefois ma version, car elle servait mieux l'analogie  que je voulais établir entre les bottes et les piles de livres, mais bon...


Car lorsqu'arrivent les grandes vacances et que les piles de copies ont enfin disparu de mon horizon pour quelques mois, au lieu de me plonger avec délices et convoitise dans la lecture de mes ouvrages favoris, j'hésite, je tergiverse, je commence, j'abandonne, je reprends, je tourne autour... Il  y a la pile «littérature», la pile «Cégep», celle des essais...


- Mais, justement, dans l'un de ces derniers, L'éloge de la lenteur,l'auteur soutient qu'au coeur de la philosophie de la lenteur se trouve le principe qu'il faut faire moins pour faire mieux... Ne pourrais-tu utiliser ce précepte, avec lequel tu es au demeurant assez d'accord, et l'appliquer à ta boulimie livresque?


-You bet! Je peux toujours essayer. Ma réussite serait pourtant davantage assurée si j'appliquais à ma condition de lectrice celle qui a rendu l'écriture de Sade possible.


-Plaît-il? 


-Sade disait qu'il bénissait ses années d'incarcération, car, sans elles, il n'aurait probablement jamais rien écrit.



-C'est moins la claustration qui est requise que l'absence de sollicitations extérieures. N'est-ce pas d'ailleurs ce que soutient Hemingway au début du cinquième chapitre de cet ouvrage dont on vient de publier une version révisée : A moveable Feast?


-Oui.  Il est très explicite : «The only thing that could spoil a day was people and if you could keep from making engagements, each day had no limits.»


-Pas très sociable sauf lorsqu'il a faim et qu'il s'invite chez Gertrude Stein pour les bons alcools et les gâteaux. 


-Je pensais plus aux incitatifs qui viennent des médias. Par exemple, je suis en train de lire la dernière enquête de Brunetti, The Girl of his Dreams, et j'y prends un grand plaisir, car c'est un roman policier comme je les aime où la vie du héros, son entourage, les petits plats que prépare sa femme, Paola, occupent plus de place que les meurtres sanguinolents. Mais, patatras, au même moment paraît le nouveay Vargas, L'armée furieuse, et Vargas, c'est MA découverte dans le domaine policier ces dernières années et je suis donc tiraillée entre le désir de m'installer confortablement à Venise et celui de me précipiter sur L'armée furieuse!


-Deux policiers pour les sept semaines de vacances estivales encore en réserve, ce n'est pas la mer à boire!


-Mais non, mais, tu ne comprends rien!!! Il y a aussi les ouvrages de Colette que j'aimerais bien relire, puisqu'il faut toujours un Colette pour rafraîchir en temps de canicule.  Et Nancy Huston... Depuis Dolce agonia, je l'ai un peu délaissée et Une adoration, Lignes de faille et L'espèce fabulatrice attendent patiemment mon bon vouloir.  Sans compter Infrarouge que je ne possède pas encore...


-Tu ne lis que des auteurs féminins?


-Pas forcément, mais, comme les femmes produisent depuis moins longtemps, je peux vivre avec l'espoir de faire un jour le tour de ce corpus, parce que, pour les auteurs masculins, il faut remonter jusqu'à Homère... Misère! C'est vrai, je voulais lire les tragiques grecs aussi...


-Tu m'énerves!


- Je m'épuise moi-même, ce qui n'est pas la meilleure des idées : j'ai besoin de toute mon énergie pour commencer à entreprendre ne serait-ce que le début des permiers livres de mon programme de lecture!


-Sais-tu, je crois que je vais te laisser.


-Tu en as marre? Tu ne serais pas le premier.  Déjà, à l'école secondaire, une condisciple m'avait offert un signet qui disait : «Rejette la soif des livres, si tu ne veux pas mourir en murmurant, mais véritablement apaisé.»


-Peut-être as-tu retenu la phrase de Marc-Aurèle, mais, pour la leçon...