Petits essais en forme de notules

Malraux définit le lecteur par vocation comme celui qui jouit de «la faculté d'éprouver comme présents les chefs-d'oeuvre du passé»...



Je souscris à cette définition et m'attacherai à présenter ici quelques réflexions au fil de mes lectures qui suivent rarement l'actualité littéraire, pour le plaisir de partager découvertes ou, éventuellement, récriminations... . Quoique, la vie étant bien courte, il vaut mieux, dans la mesure du possible, écarter le désagréable lorsque cela, comme il arrive trop rarement, est en notre pouvoir et vouloir.






samedi 24 mars 2012

La photo de la semaine (4) : printemps hâtif


La photo de cet arbre qui domine mon jardin n'a rien d'exceptionnel sur le plan technique, mais elle a été prise le jour de l'arrivée du printemps, le 21 mars donc, et généralement, à cette date, nous attendons et nous nous relevons de la tempête de la St-Patrick, car il y a toujours une dernière tempête au moment où nous prions de toutes nos forces pour que le printemps se montre le bout du nez.

Or, cette semaine, nous avons dépassé tous les records de chaleur, vivant une semaine de juillet en mars.  Cela a rendu la végétation folle, et je crains beaucoup pour mes arbres, car il y aura des nuits à moins quatre degrés la semaine prochaine.

je me demande vraiment où cela s'arrêtera...

Est-il encore besoin de rappeler qu'Amartia est à l'origine de cette chronique?

 

mercredi 21 mars 2012

MBAM : peintres canadiens (1) Horatio Walker

Ayant tardé à publier ce billet annoncé depuis un moment, je me retrouve à vous présenter un texte sur la glace alors que nous allons battre le record de chaleur pour un mois de mars puisque le thermomètre affichera bientôt 26 degrés : mon esprit de contradiction se trouve satisfait, mais, comme le disait très intelligemment le jeune fille de dix-sept ans que j'accompagnais dimanche à ses auditions pour son entrée en musique à mon Cégep : «C'est plutôt inquiétant!»


Liminaire

J'entreprends aujourd'hui une série de billets sur les peintres de la collection canadienne du Musée des beaux-arts de Montréal.  Ces artistes sont en effet assez peu représentés dans les bases de données ou les ouvrages de référence comme le Dictionnaire de la peinture de Laclotte et Cuzin aux éditions Larousse.  Étant un tantinet déformée par trente années bien comptées dans l'enseignement, je risque peut-être de devenir un peu didactique à certains moments.  Ayez, s'il-vous-plaît, la gentillesse de me le souligner pour que je m'amende, si besoin est.


­
­

Parmi notre petit groupe de copinautes, comme dit Michelaise, plusieurs personnes s'intéressent d'assez près aux créations picturales : Nathanaëlle et Tilia, que je qualifierai de «spécialistes», présentent régulièrement des billets très fouillés sur les peintres qu'elles ont manifestement plaisir à nous faire découvrir alors qu'Alba ne laisse jamais passer une semaine sans nous montrer un de ses coups de coeur.  D'autres, comme Michelaise, Françoise, Anne, AnnaLivia nous baladent dans les expositions qui les ont retenues.  Norma occupe une place à part puisqu'elle nous dévoile régulièrement ses dernières oeuvres... Je ne veux pas allonger indûment cette liste et m'arrête donc ici, mais que personne ne se sente oublié.

Pour m'aménager un créneau qui ne soit pas trop redondant par rapport à ce que les autres «blogueuses» font très bien,  j'ai décidé de décrire avec une certaine minutie les oeuvres qui sont à la portée de mon appareil photographique et sur lesquelles j'aurai trouvé suffisamment d'informations pour que cela vaille le détour, car il reste encore beaucoup à faire dans le domaine de l'exploration de la peinture canadienne.

Avant de vous présenter la toile d'aujourd'hui, Les Coupeurs de glace d'Horatio Walker (1904), je prendrai quelques minutes pour évoquer le Musée des beaux-arts que certaines d'entre vous connaissent déjà.

Le Musée des beaux-arts de Montréal

Situé sur la portion ouest de la belle et riche rue Sherbrooke, le MBAM est consitué d'un ensemble de pavillons construits à diverses époques et reflétant donc les styles et les préoccupations architecturales des périodes où ils ont été érigés.

Contrairement au Musée d'art contemporain, entièrement public, le Musée des beaux-arts de Montréal était, à l'origine, une institution privée.  Même s'il reçoit dorénavant une part de subsides gouvernementaux, le Musée compte encore beaucoup sur la générosité des donateurs pour accroître ses collections ou développer ses infrastructures.

C'est ainsi que la famille Bourgie a récemment contribué à la réfection de l'Église Erskine and American acquise par le Musée, car le nombre de fidèles ne justifiait plus l’entretien d'un édifice aussi imposant.  Avec beaucoup de doigté, la firme d'architectes Provencher, Roy et associés a donc transformé l'intérieur de l'Église pour en faire une salle de concerts et de conférences en plus d'adjoindre, à l'arrière du bâtiment, une nouvelle construction destinée à recevoir la collection canadienne que le Musée a petit à petit constitué depuis la fin du dix-neuvième siècle.  Comme je ne dispose pas encore d'un grand angle, plutôt que de vous imposer des photographies plus ou moins ratées, je vous invite à cliquer sur le nom des architectes ci-dessus pour visionner les clichés réalisés par la firme, photographies et modélisations montrant bien les lieux où se trouvent les oeuvres dont je vous parlerai.

La glace et ses usages


Période glaciaire
fin février 2012 
L'hiver québécois ne se conçoit pas sans glace et même le réchauffement climatique n'y a rien changé.  Bien au contraire, l'alternance de redoux et de périodes de grand froid transforme les artères les moins fréquentées en patinoires improvisées pour le plus grand plaisir des petits et l'effroi des plus âgés dont je fais maintenant malheureusement partie!  Munie d'une canne que je nomme par pudeur mon «piolet», j'ai essayé, comme le grand chien, tout au long de l'hiver, d'éviter les chutes douloureuses malgré le «rond de glace» qui a sévi presque tout l'hiver au bas de mon entrée et dans la petite rue où se trouve ma demeure!


lMais fut un temps pas si lointain d'ailleurs où la glace jouait un rôle beaucoup plus utile dans le quotidien des Canadiens-français.  Mes tantes m'ont déjà parlé du pont de glace qui se mettait en place sur la Rivière-des-mille-îles lorsqu'elles étaient plus jeunes, ce qui évitait de bien longs détours pour aller visiter la parenté pendant la  période de réjouissances du temps des fêtes qui durait bien deux semaines à l'époque où la saison froide était aussi la  morte saison pour les activités agricoles.

Je n'ai pas retrouvé d'illustration de ce pont en particulier, car c'était une période où l'on était plus économe que maintenant dans le domaine des images.  Par contre, voici un pont de glace enjambant le St-Laurent pour joindre Québec et Lévis au XIXe siècle :

Crédit photographique


Je vous avoue, en toute honnêteté, que je ne suis jamais vraiment rassurée lorsqu'il s'agit de s'aventurer sur la glace, qu'il y ait ou non de l'eau en-dessous.  Il semble toutefois que ces points de glace peuvent encore rendre de très grands services lorsqu'il s'agit de joindre les communautés éloignées.


Les coupeurs de glace d'Horatio Walker (1904)


La toile d'Horatio Walker fait face à une autre toile pour laquelle je n'ai pas recueilli suffisamment d'informations pour en faire un billet.  Je l'intégrerai donc à cette présentation sur Walker, car les deux oeuvres traitent du même thème et éclairent deux modes différents d'exploitation de la glace en hiver, de la fin du dix-neuvième siècle aux années cinquante, période où la généralisation du réfrigérateur a fait disparaître l'industrie de la taille de la glace pour les fins de conservation des aliments.




L'oeuvre de Walker présente la taille de glace pratiquée par les paysans pour leur propre usage.  Mon grand-père, par exemple, coupait des blocs sur la Rivière-des-Prairies, puis les apportait dans un entrepôt un peu plus loin où il pouvait les reprendre selon ses besoins.  Le grand nombre de blocs aidaient à la conservation sur une plus longue période.

Pour en revenir au peintre qui s'est intéressé à ce sujet, Horatio Walker est originaire de Listowel, petite ville du sud de l'Ontario.  Il a cependant très tôt développé un lien privilégié avec la province voisine, le Québec;  il y viendra en effet fréquemment avec son père pour des voyages d'affaires. Conquis par la beauté des paysages visibles depuis l'île d'Orléans, au milieu du fleuve St-Laurent, il y établira son atelier principal, dans le village de Sainte-Pétronille.

Le tableau  ci-dessus présente d'ailleurs probablement une scène qu'il a pu observer dans les environs de son atelier.  La composition centrée de Walker met l'accent sur le travail de traction du cheval.  




Notre attention est attirée sur lui pour diverses raisons : présence au centre de la toile,  contraste de la tête et du harnais foncés avec le ciel lumineux d'hiver en arrière-plan et enfin présence de cette tache rouge qui est, je crois, la chemise que l'homme a enlevée, réchauffé par son effort malgré le froid ambiant, ce dont témoigne la fumée blanche s'échappant des naseaux du cheval comme le montre le détail ci-dessous : 



De part et d'autre de l'action centrale, deux hommes participent aussi à l'activité : celui de droite utilise une longue gaffe en guise de levier pour faciliter l'effort du cheval qui hisse le bloc hors de l'eau.  Celui de gauche, un peu plus éloigné, équarrit les blocs à la hache pour faciliter leur empilement dans la remise avant qu'ils ne soient recouverts de bran de scie pour retarder leur fonte.






L'autre toile que je voulais évoquer est celle de Maurice Galbraith Cullen.  Cette fois-ci, l'artiste a choisi de représenter l'exploitation commerciale de la glace comme on le constatera en voyant le grand nombre de travailleurs et de chevaux rassemblés au centre de la scène.




Blogger me posant des problèmes en déplaçant systématiquement la toile lorsque je tente de lui ajouter une légende, je ne m'obstinerai pas avec la stupidité de la machine et vous dirai donc que cette oeuvre, intitulée La coupe de glace à Longueuil, est un peu postérieure à celle de Walker puisqu'elle a été peinte en 1914.  Cullen a d'ailleurs peint trois autres tableaux en rapport avec ce sujet.  Municipalité située au sud de Montréal, Longueuil tirait grand profit de cette exploitation au début du siècle.

Contrairement à Walker, Cullen a choisi d'utiliser le tiers inférieur de sa toile, qui est tout de même de grandes dimensions (144,8 X 178,1 cm), pour y concentrer l'action, laissant ainsi beaucoup de place au ciel que l'on sent plombé par le choix de cette couleur inhabituelle qu'est l'ocre pour représenter l'azur...


Cullen a représenté la table de chargement qui permettait de hisser les blocs hors de l'eau de manière à ce qu'ils soient à la hauteur des traîneaux de chargement.  Si certains chevaux étaient réservés à la traction des blocs, d'autres, comme ceux qui s'éloignent à gauche, acheminaient la glace déjà taillée vers les entrepôts.



C'est donc à ces bêtes sans lesquelles le travail n'aurait pu être fait que Cullen a donné la place centrale, mais sans leur accorder un traitement aussi élaboré que celui de Walker qui a individualisé le cheval.



Plusieurs autres peintres comme James Duncan, Clarence Gagnon ou Thomas Garside ont représenté la coupe de la glace, mais, comme je me suis fixé comme règle de vous présenter les peintres que je peux photographier, il faudra attendre quelques voyages de découvertes au Québec pour que je sois à même de vous les présenter!

P.S. Vous excuserez la variation de l'arrière-plan.  Dieu seul sait pourquoi, Blogger me fait des misères avec les légendes : dès que j'essaie d'en ajouter une, tout le texte qui suit devient partie intégrante de cette légende.  Je crois qu'il faut les ajouter seulement à la toute fin, ce que j'essaierai pour la prochaine fois, mais, pour cette fois-ci, soyez indulgentes, car je n'ai pas envie de tout recopier malgré le respect que j'ai pour mes lectrices et mon goût de la perfection!