Petits essais en forme de notules

Malraux définit le lecteur par vocation comme celui qui jouit de «la faculté d'éprouver comme présents les chefs-d'oeuvre du passé»...



Je souscris à cette définition et m'attacherai à présenter ici quelques réflexions au fil de mes lectures qui suivent rarement l'actualité littéraire, pour le plaisir de partager découvertes ou, éventuellement, récriminations... . Quoique, la vie étant bien courte, il vaut mieux, dans la mesure du possible, écarter le désagréable lorsque cela, comme il arrive trop rarement, est en notre pouvoir et vouloir.






dimanche 30 octobre 2011

Trick or treat! Happy Halloween!



pour mes nièces

Détail du tableau de Breughel l'Ancien, La lutte de Carême et de Carnaval.


Les citrouilles et les sorcières s'animent, le soir venu, attendant les fées, les petits monstres, les squelettes ou les derniers personnages à la mode qui déambuleront demain soir dans les rues. Pour quelques heures seulement, la nuit noire devient accueillante pour les enfants qui réclament, au seuil de chaque maison, bonbons et sous pour l'Unicef lorsque la fête se fait utile.

 
Le Québec des dernières décennies a ainsi rejoint la mer anglo-saxonne dans laquelle il tente, tant bien que mal, de surnager. Auparavant, on célébrait plutôt ici le «mardi gras», fête ressemblant à l'Halloween à cause des costumes que l'on revêtait alors pour célébrer le dernier jour de bombance avant l'entrée en carême consacrée par le mercredi des cendres.


Née à la fin du dix-neuvième siècle, ma grand-mère paternelle était une grande joueuse de tours devant l'Éternel, peut-être parce que celui-ci lui en avait joué tout un, à sa naissance, en l'affublant d'un prénom qu'elle abhorrait : Isoline! J'ai pensé, beaucoup plus tard, que ce prénom dérivait probablement du mot italien «isola». Des ancêtres dans la botte? Pourquoi pas. De petite stature, presque toujours vêtue de noir, ma grand-mère aurait très bien pu s'asseoir, pour prendre le frais, au seuil d'une petite maison blanche du bassin de la Méditerranée. Malgré ses croyances religieuses, comme elle aimait se costumer, elle adopta assez facilement la fête de l'Halloween pour remplacer le «mardi gras» qu'on ne «courait» plus guère, comme le voulait l'expression, après la Révolution tranquille. C'est ainsi qu'elle décida un 31 octobre de revêtir l'habit de noces de son mari pour se mêler aux enfants qui allaient recueillir des friandises. Maquillée, coiffée d'un chapeau melon, elle alla donc frapper à la porte du garage d'en face pour présenter son sac afin qu'on y dépose des sous et des bonbons. Mon grand-père maternel se trouvait alors en grande discussion avec son ami le garagiste Hollinger. En souriant, il fit tout haut cette réflexion : «Y'en a des pas jeunes, jeunes qui passent c't'année!», puis il poursuivit la conversation.


Le lendemain matin, après le déjeuner, il traversa chez ma grand-mère paternelle pour lui raconter les aventures du soir précédent et ma grand-mère de répondre : «Je l'sais monsieur Leroux, c'était moi!» Mon grand-père ne voulut pas la croire et elle dut ressortir l'habit de noces retourné dans sa housse pour prouver ses dires!

***
 Le garage de monsieur Hollinger a brûlé quelques années plus tard et je n'ai plus de grand-père ni de grand-mère depuis bien longtemps, mais le souvenir reste vivace de cette femme ricaneuse au ventre rebondi qui riait tellement qu'elle finissait parfois par en perdre son dentier!