Petits essais en forme de notules

Malraux définit le lecteur par vocation comme celui qui jouit de «la faculté d'éprouver comme présents les chefs-d'oeuvre du passé»...



Je souscris à cette définition et m'attacherai à présenter ici quelques réflexions au fil de mes lectures qui suivent rarement l'actualité littéraire, pour le plaisir de partager découvertes ou, éventuellement, récriminations... . Quoique, la vie étant bien courte, il vaut mieux, dans la mesure du possible, écarter le désagréable lorsque cela, comme il arrive trop rarement, est en notre pouvoir et vouloir.






vendredi 28 février 2014

Photo de la semaine (69) : la malédiction du bol bleu



Ç'aurait pu être le titre d'un album apocryphe de Tintin si Georges Rémi n'avait formellement interdit que l'on donne une suite, quelle qu'elle soit aux aventures de son personnage fétiche et de son valeureux compagnon canin, volonté que ses ayants droit s'acharnent d'ailleurs à faire respecter...

C'est donc plutôt un des épisodes de ma trépidante existence que je vais ici raconter en débutant par quelques informations préalables.

Primo, soulignons que j'aime le bleu, ce en quoi je ne suis guère originale puisque c'est dorénavant la couleur la plus prisée dans le monde occidental, phénomène d'ailleurs démontré par l'historien des couleurs Michel Pastoureau.

Mais les peintres parmi vous me diront sans doute : «Tention! Y'a toutes sortes de bleus!» Je précise donc.

Moi, j'aime le marine, le bleu marin comme disait ma grand-mère paternelle. Ma mère m'a toujours habillée de marine : j'avais de petites chaussures lacées Packards marine achetées chez un client de mon père, Jack B. Nimble.  La visite chez Jack soulignait le changement de saison.  Mes vestes tricotées par ma marraine étaient marine; j'avais aussi de petits ensembles matelots... à force, donc, j'ai fini par devenir fada de cette couleur que j'aurais pu, vu mon esprit de contradiction habituel, détestée, mais non.

Or, je ne sais pas comment les choses se passent de votre côté de l'Atlantique, mais ici, le marine, quand il y en a, est désormais strictement réservé à la gent masculine.  Affront!  On attribue d'office les couleurs tendres et pastel aux gentilles dames : beurk!  D'abord, je ne suis pas gentille et, en plus, avec ma carnation de vraie blonde, au pays du jaune pâle, du rose nanane et du vert pomme, j'ai l'air d'une enfant malade!

Deuzio, je dois aussi vous présenter un de mes vices, de ceux qui s'avouent publiquement : j'adore les bols à café depuis des lustres, c'est-à-dire bien avant que les branchouilles montréalais ne s'exhibent un bol plutôt qu'une tasse à la main.  Malgré le fait que la population générale ne suive pas vraiment cette mode, j'avais tout de même réussi à me constituer une petite collection comprenant un joyau, THE bol : un bol à café espagnol marine! Yep!

Par un soir de grande beuverie -un autre de ces excès m'a un jour coûté une paire de lunettes!- j'ai échappé mon bol marine, moi qui ne casse pourtant jamais rien...

Depuis lors, telle une mendiante sophistiquée, je vais de boutique branchée en quartier huppé pour quémander, en lieu et place d'une piécette, un bol à café marine et me faire immanquablement répondre : «Nan! on n'a pas ça!»

En désespoir de cause, casanière à cause de mes passions canines dont je vous assomme depuis un moment, j'ai chargé quelques amies plus nomades d'écumer pour moi les régions françaises traversées. Dire que je leur ai donné des cheveux blancs est un euphémisme, et je crois bien que les amis de mes amies ne risquent pas de devenir les miens, dussé-je les rencontrer, car la mission transmise leur a aussi causé quelques moments de désespérance. 

Ayant raconté cela à la marraine de Mokadoudou, Nathanaëlle que vous connaissez, celle-ci, généreuse à son habitude, est entrée dans un magasin d'Aurillac pour trouver, coup de bol, du premier coup, l'objet convoité qu'elle a joint, dans un gentil colis, aux joujoux de sa filleule.

Vous devinez la suite : le paquet n'est jamais parvenu à destination!

La malédiction du bol bleu vous dis-je!!!



C'était ma participation, un peu erratique ces temps-ci, à la photo de la semaine d'Amartia