Petits essais en forme de notules

Malraux définit le lecteur par vocation comme celui qui jouit de «la faculté d'éprouver comme présents les chefs-d'oeuvre du passé»...



Je souscris à cette définition et m'attacherai à présenter ici quelques réflexions au fil de mes lectures qui suivent rarement l'actualité littéraire, pour le plaisir de partager découvertes ou, éventuellement, récriminations... . Quoique, la vie étant bien courte, il vaut mieux, dans la mesure du possible, écarter le désagréable lorsque cela, comme il arrive trop rarement, est en notre pouvoir et vouloir.






vendredi 25 mai 2012

Photo de la semaine (12) : clin d'oeil à Christine



Mon jardin me harcèle! Soleil et chaleur nous accablant ces derniers jours après les pluies soutenues de la semaine précédente, la végétation prend des allures de jungle et dès que je tourne les talons après avoir terminé une plate-bande, je l'entends qui s'agite et rameute toutes les graines possibles et imaginables de mauvaises herbes créées par Dieu et Diable en alternance! Cela sans compter le fait que, lorsque je termine à une extrémité, par exemple, de la haie de lilas, il est temps de reprendre à l'autre.  Misère et remisère, comme je me dis souvent in petto...

On m'excusera donc de puiser encore dans mon fonds d'archives personnelles.  La semaine prochaine, promis, je vous fais une photo.  J'ai même deux idées différentes, mais précises.

Je me suis dit, pour me justifier, que cela ferait rêver notre toute récente mamie qui a sûrement une petite selle en réserve et attend avec impatience non pas les premiers pas, mais les premières «montées» de Mathis! Cela viendra très vite, tu verras!

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Initiative d'Amartia, la photo de la semaine ne nous lasse pas!


  P.S un petit ajout pour Aloïs...

Bien que je sois un peu vieille pour croire que je suis née sous une feuille de chou, je peux tout de même affirmer, preuve à l'appui, que j'ai grandi au milieu des légumes!!! Donc, pas exactement néophyte en matière de jardinage...

Récolte parée pour le marché, mais la petite fille n'est pas à vendre, même si elle est parfois très «tannante»!!!




mercredi 23 mai 2012

Petite leçon de grammaire des temps

Au lendemain du centième jour de la grève estudiantine qui semble vouloir se prolonger tout l'été, le vieux prof en moi, qui n'est jamais bien loin de la surface, s'agite : j'ai besoin de dispenser mon savoir coûte que coûte et je me permets donc cette petite leçon qui aura l'heur, je l'espère, d'enjoliver encore davantage la prose des copinautes qui mettent le meilleur d'elles-mêmes dans ces messages, échos, billets et autres textes...

Voici, en guise d'introduction, un petit texte de ma plume pour illustrer mon propos avant que je ne l'explique :

«Fut un temps où je considérais les blogs comme une sorte d’expansion au quotidien de l'autofiction à la manière Angot : je fuyais donc à grands pas, prenais mes jambes à mon cou et passais chaque jour devant les invites sans me retourner.  Cet habituel comportement, que je perpétuais en ignorante que j'étaisfut, un jour béni, interrompu par une ancienne élève devenue maître d'un jour qui m'enseigna, en quelques courriels et rencontres, les rudiments de l'art du blog, mode d'écriture ne ressemblant en rien à ce que j'avais préalablement imaginé...

Je n'eus donc pas à chercher bien loin dans ma besace, ma verbomotricité proverbiale se déclenchant à n'importe quelle occasion.  Je fis donc mes premières armes et, un an et demi plus tard, j'en suis fort aise!»



Le petit texte ci-dessus est un récit, dans ce cas, d'un fait avéré...

J'ai tenté d'y démontrer l'alternance dans l'utilisation du passé simple et de l'imparfait, deux temps qui se marient pour modifier le rythme de la narration.

Dans une histoire, vraie ou fausse, l'imparfait de l'indicatif sert souvent à la description : 

«C'était au pays de Catherine, une ville de hauts fourneaux flambant sur le ciel, jour et nuit, comme de noirs palais d'Apocalypse.  Au matin les femmes essuyaient sur les vitres des maisons les patines des feux trop vifs de la nuit.

Les fenêtres de Catherine étaient claires, le carrelage de la cuisine luisait comme un bel échiquier noir et blanc.  Toute transparence refaite à mesure, Catherine ne s'était jamais laissée devancer par le travail et le temps.» Anne Hébert, Les chambres de bois, 1958. (1)

Mais lorsque couplé au passé simple, il marque plutôt une action qui dure, se répète, s'étale en longueur jusqu'à ce qu'un évènement ponctuel  vienne la tirer de sa léthargie! Cette action qui ne se produira qu'une fois est alors évoquée au passé simple :

«Un soir d'automne, au Chenal du Moine, comme les Beauchemin s'apprêtaient à souper, des coups à la porte les firent redresser.  C'était un étranger de bonne taille, jeune d'âge, paqueton au dos, qui demandait à manger.»  Germaine Guèvremont, Le Survenant, 1945 (2)

Ce beau récit de Germaine Guèvremont reprend la structure que vous avez rencontrée dans le grand roman de l'adolescence qu'est Le Grand Meaulnes dont la première phrase, au passé simple, marque aussi la rupture qu'introduira l'arrivée de ce personnage dans la vie de François Seurel :

«Il arriva chez nous un dimanche de novembre 189...»

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J'espère qu'on ne verra pas dans ce petit billet un étalage de pédantisme gratuit et qu'il trouvera son utilité.  Pendant que mes étudiants réclament le droit à l'éducation, je suis d'une génération qui la considérait encore comme un privilège puisque mes parents n'y avaient eu droit que dans une très modeste mesure.  Il me semble donc normal de partager ce que j'ai reçu aussi souvent que je le peux!

Un élève m'a un jour photographiée à mon insu et m'a fait parvenir ce cliché!


P.S. J'ajouterai avec un malin plaisir que mon accent québécois, pas tellement marqué mais tout de même, sert bien mes étudiants brouillés comme la pluaprt de mes contemporains avec ce temps appelé à disparaître, comme l'imparfait du subjonctif, qu'est le passé simple.  Car seule une petite lettre distingue la première personne de celui-ci et celle de l'imparfait des verbes du premier groupe : le «s».  Cela ne s'entend guère en France, car le «é» de j'avisAI et le «è» de j'avisAIS se prononcent de la même façon.  Il y a pourtant une nuance, comme je viens de l'expliquer, et je cultive cette «distinction locale» pour éviter au moins une erreur sur les trente que je corrige régulièrement dans les copies!



(1) Pour être tout à fait correcte, je dois vous indiquer que le dernier verbe composé est un imparfait, mais un imparfait à la voix passive.
(2) L'imparfait descriptif prend ensuite le relais.  Ce tout dernier roman de la terre, publié la même année que Bonheur d'occasion de Gabrielle Roy, mérite le détour par sa langue riche d'images.