Petits essais en forme de notules

Malraux définit le lecteur par vocation comme celui qui jouit de «la faculté d'éprouver comme présents les chefs-d'oeuvre du passé»...



Je souscris à cette définition et m'attacherai à présenter ici quelques réflexions au fil de mes lectures qui suivent rarement l'actualité littéraire, pour le plaisir de partager découvertes ou, éventuellement, récriminations... . Quoique, la vie étant bien courte, il vaut mieux, dans la mesure du possible, écarter le désagréable lorsque cela, comme il arrive trop rarement, est en notre pouvoir et vouloir.






dimanche 4 décembre 2011

Ma mère, la foi et la superstition (in memoriam…)


Mercredi dernier, c'était le quinzième anniversaire du décès de ma mère, morte trop jeune à l'âge de soixante-cinq ans. J'avais trente-quatre ans. On peut donc considérer cela comme un progrès puisque ma grand-mère maternelle est morte alors que ma mère n'avait que dix-neuf ans… Quelque temps avant sa mort, forte de ses propres expériences, ma mère m'avait confié : «Tu sais, on n'oublie pas; on n'oublie jamais. Mais avec le temps, on devient moins triste. Heureusement!» En me disant cela, elle me faisait un dernier présent, car je me suis sentie légitimée de ne pas me complaire dans le deuil pour aller plutôt de l'avant avec ma propre existence.

C'est donc sur le ton de l'humour que j'ai envie que l'on se souvienne, pour celles qui l'ont connue, ou que l'on apprenne à découvrir, pour les autres, cette femme qui aurait maintenant quatre-vingts ans et qui a tiré sa révérence un peu trop vite à mon goût et au sien.

Pour toi…



***
L'automne venu, il fallait autrefois réinstaller les «châssis doubles», remplacés par les nécessaires moustiquaires pendant la saison estivale, plus clémente sauf en matière de maringouins et autres mouches noires.


Comme ma vieille maison n'a guère subi de rénovations, je peste encore contre ces châssis devenus bien difficiles à ouvrir avec les années. L'existence d'un espace entre les deux fenêtres – d'où l'appellation de « châssis doubles» - m'a toutefois remis en mémoire un petit épisode des démêlés de ma mère avec la foi catholique de notre désormais laïque province…




Née au tout début des années trente, ma mère baigna pendant au la première moitié de sa trop brève existence dans le climat d'extrême religiosité qui imprégnait alors la société canadienne-française pas encore québécoise. Fervente enfant de Marie, puis croisée, elle avait plus tard, comme elle le faisait toujours, aménagé l'hymne de ce groupe ainsi devenu :


Ma mère est la première à droite des jeunes filles en blanc



Je suis croisée, c'est là ma gloire,
Ils m'ont choisie, moi j'voulais pas.
Combats sans peur pour la victoire,
Je suis croisée, je suis croisée!



Ma mère en 1954
Enfant, j'écoutais et engrangeais ces chansons, subodorant quand même assez vite, entre autres à cause du ton employé pour les chanter, qu'il devait y avoir quelque anguille sous roche… Toujours est-il que la religion tenait une grande place dans sa vie et que, jeune enseignante d'à peine vingt ans, elle enfourchait tous les jours sa bicyclette pour se rendre à la messe avant d'aller enseigner chez les Maristes ou chez les petites franciscaines de Marie, jusqu'à ma naissance qui sonna malheureusement pour elle et pour moi le glas de trop nombreuses activités.



Je ne sais d'ailleurs quel rôle j'ai joué dans son éloignement de la foi puisque ma naissance précéda de peu la mort de son père, événement d'autant plus traumatisant pour elle qu'elle n'était pas présente, son frère ayant décidé de ne pas la prévenir, ce qui la condamna, pendant quelques décennies, à chercher en rêve le père perdu dans les couloirs de l'hôpital jusqu'à ce qu'elle se lève un matin, en pleurant, parce qu'elle l'avait enfin retrouvé.



Ma naissance et la mort de mon grand-père coïncidèrent de surcroît avec les débuts de la Révolution tranquille, événement qui devait enclencher le processus de laïcisation de la société québécoise jusqu'à ce que toutes les religions, hormis la catholique, reprennent du poil de la bête et envahissent à nouveau ces dernières années, à travers de minces saris bien peu appropriés à nos hivers ou de lourdes burqas, l'espace public.



Ayant donc pris quelque distance avec la religion, ma mère y revint dans les dernières années de sa vie à travers certaines pratiques pour le moins surprenantes...  Elle avait une dévotion toute particulière pour la Vierge, notre société matriarcale faisant probablement plus confiance aux femmes qu'aux hommes trop «pelleteux de nuages» pour régler vraiment les problèmes. Une petite statue de la mère du Christ aiguillait donc ses prières et cette statue trônait dans une plate-bande l'été, puis revenait à l'intérieur pour l'hiver.

Vitrail de la nouvelle salle de concert Bourgie
La Vierge était ainsi l'objet de nombreuses oraisons et ma mère, avec un côté humoristiquement païen, menaçait de lui mettre la tête en bas lorsqu'elle n'exauçait pas assez rapidement ses vœux. Mais, pendant la saison hivernale, si la mésentente s'étalait sur une trop longue période, pour réveiller les ardeurs de Marie, ma mère lui faisait faire un petit séjour entre les deux fenêtres des châssis doubles, histoire de l'exposer au froid revigorant qui saurait certainement ramener la sainte à ses devoirs!


***


On n'est pas sans séquelles la fille de pareille femme…



Ayant récemment constaté qu'un malotru avait joyeusement égratigné ma petite voiture bleue toute neuve sans laisser sa carte de visite, je décidai illico d'envoyer la médaille de St-Christophe, patron des conducteurs, offerte en grande pompe par ma tante Jeannette, réfléchir au fond du coffre à gants pour un certain temps!

Il faudra toutefois la ressortir bientôt, car outre les châssis doubles, l'hiver est aussi la saison des accrochages.

Thank you very much indeed!


As I've spent my first seven years in the States, I speak mostly English even if my dear, dear mistress is trying to teach me French and a little bit of Italian.

I just wanted to say that I was deeply touched by your messages. I'm feeling quite well now and I'm ready for new adventures –quiet ones though!- with MJ.


See you soon


Honey Comb