Les grandes mers de mai avaient fait monter l'eau de nouveau. À mesure qu'il avançait, le Survenant s'étonna devant le paysage différent de celui qu'il avait aperçu l'automne passé. [...] Au lieu de géants repus, altiers, infaillibles, il vit des arbres penchés, avides, impatients, aux branches arrondies, tels de grands bras accueillants pour attendre le vent, le soleil, la pluie : les uns si ardents qu'ils confondaient d'une île à l'autre leurs jeunes feuilles à la cime jusqu'à former une arche de verdure au-dessus de la rivière, tandis qu'ils baignaient à l'eau claire la blessure de leur tronc mis à vif par la glace de débâcle; d'autres si remplis de sève qu'ils écartaient leur tendre ramure pour partager leur richesse avec les pousses rabougries où les bourgeons chétifs s'entrouvraient avec peine.
Germaine Guèvremont, Le Survenant, 1945
Point n'est besoin de rappeler pourquoi 1945 est une date importante pour le monde occidental.
Dans le champ plus restreint de la littérature québécoise, cette année a aussi une résonance toute particulière : alors que Gabrielle Roy publie Bonheur d'occasion, premier texte où la ville supplante la campagne, Germaine Guèvremont crée, avec Le Survenant, le dernier et le plus beau des romans du terroir. Le personnage éponyme relève de l'archétype de l'étranger bouleversant l'existence jusque-là paisible d'une petite communauté, ici, celle du Chenal du Moine, dans la région de Sorel. Venant , comme le père Didace se plaît à l'appeler, représente aussi l'un des deux pôles du couple antagoniste mis en scène dans plusieurs ouvrages de notre littérature : le nomade, grand dieu des routes, qui méprise un peu ces sédentaires attachés à leurs «terres de petite grandeur, plates et cordées comme des mouchoirs de poche.»
Pour qui aimerait connaître un peu mieux la littérature du Québec, Le Survenant est un incontournable, et la richesse de la langue métaphorique de Guèvremont, mérite certainement le petit effort qu'il faut pour comprendre toutes les subtilités d'un texte qui tente de reproduire le parler des habitants du début du siècle, ce terme désignant dans le roman, les cultivateurs...
Voilà pour ma participation d'un vert encore acidulé à la photographie de la semaine d'Amartia...
Un billet découverte! L'extrait est très poétique et donne envie d'aller voir plus loin... Merci, bon dimanche!
RépondreSupprimerTu me diras, le cas échéant, si cet auteur t'a plu... Peut-être irai-je, cet été, faire une mini-croisière au pays du Survenant : ce sera l'occasion d'en reparler!
SupprimerQuelle belle idée de lecture ! Je vais m'empresser de chercher cet ouvrage, soit à la médiathèque, soit sur internet.
RépondreSupprimerje me permets de te glisser un lien par lequel j'ai découvert ce mois-ci, dans le cadre du challenge généalogique, la signification du mot "habitant" au Québec :
http://www.pencalet.com/index.php/habitant-est-ce-une-profession
J'ai trouvé ce site et ce blog passionnants de bout en bout.
Bon week-end à toi.
Bonjour Odile,
SupprimerTu me diras si tu trouves... sinon, peut-être puis-je t'envoyer une édition de poche, car j'ai cet ouvrage en quelques exemplaires. Essaie de regarder si tu peux trouver une édition avec un glossaire à la fin...
Merci pour la référence. Je viens de lire l'article que tu me conseillais; je n'avais jamais fait le lien entre ce mot et la soupe en boîte! Il est vrai que ce n'est pas un produit que j'achète, mais je la vois tout de même sur les rayons des magasins d'alimentation depuis fort longtemps.
Je vais conserver cette adresse, car, cet été, j'aimerais essayer de mettre de l'ordre dans les albums familiaux et numériser les photographies, car je crains toujours le feu pour les documents uniques! On se reparlera donc peut-être généalogie à ce moment-là!
Bon dimanche du côté des cerisiers...
Une bien belle idée d'avoir choisi ce texte, d'une auteure que tu me fais connaître, pour accompagner ces branches printanières et si délicates.
RépondreSupprimerBelle fin de semaine!
Ce sont les branches d mélèze que mon père a planté il y bien quarante ans! Contrairement aux autres conifères, ceux-ci perdent leurs aiguilles et j'ai donc un tapis terre de Sienne, l'automne, dans mon entrée...
SupprimerBon dimanche à toi et bonne semaine d'activités. Encore un gâteau pour nous faire saliver à l'horizon?
Cet extrait donne envie d'aller voir plus loin les grands arbres aux bras accueillants et de suivre Le Survenant.
RépondreSupprimerJolie découverte pour moi aussi et, j'aime ces jolies ramures vert tendre sur ce beau ciel bleu sans nuages.
Belle journée. Bisous
Oui... peut-être vous ferai-je pénétrer un peu plus avant dans la contrée du Survenant cet été, car le Chenal du moine que décrit Germaine Guèvremont allie terre et eau d'où le canot dans lequel se trouve Venant. Je ne connais pas la région de Sorel et j'y ferai un saut pendant la période des vacances...
SupprimerBon dimanche
Retour sur les blogs et ma foi j'ai en fait retenu de cette rencontre hebdomadaire... la photo qui ouvre votre blog. Superbe regard.
RépondreSupprimerBon dimanche
m de Sclos
Oui, Martine, mon grand chien avait des yeux on ne peut plus expressifs. J'ai plusieurs photos d'elle un peu partout, même si cela n'atténue pas vraiment le manque...
SupprimerBon dimanche chez vous
Ta photo est très belle. J'aime ce regard vers le bleu du ciel enfin revenu.
RépondreSupprimerMerci de nous faire découvrir cet écrivain (je n'aime pas le mot au féminin)que je ne connaissais pas. J'aime bien découvrir d'autres voix!
Bonne semaine et bises.
Germaine Guèvremont a peu écrit : un recueil de nouvelles et deux romans, Le Surevenant et sa suite Marie-Didace. Elle a également aidé son cousin Claude-Henri Grignon à la rédaction des épisodes radiophoniques qui mettaient en scène les personnages du roman de cet auteur Un homme et son péché, davantage connu pour son adaptation télévisuelle qui a engendré notre Harpagon national, Séraphin Poudrier, dont le patois «viande à chien», est encore très célèbre!
SupprimerBises à toi
On en reprendrais bien un petit verre de ce vert très poétique et nostalgique.
RépondreSupprimerCela viendra peut-être, au risque de lasser d'autres lecteurs, car la très belle journée d'hier était propice à une petite escapade au milieu des arbres...
SupprimerBonne semaine niçoise
Toute la tendresse de Honey se reflète dans son regard à travers cette photo. C'est un bel hommage qu'elle mérite indiscutablement.
RépondreSupprimerJe vous remercie pour votre article qui me rend impatiente de découvrir davantage les oeuvres de Germaine Guèvremont, aussitôt que mon libraire me préviendra de la réception des livres commandés.
Bon dimanche, Marie-Josée!
Oui, Anne, la tendresse d'un grand chien n'est à nulle autre pareille, et elle me manquera pour toujours, c'est bien évident.
SupprimerN'hésitez pas, lorsque vous aurez reçu vos ouvrages, à me demander un complément d'information...Cela me fera plaisir!
Très bonne semaine chez vous
P. S. Je suis un peu en retard dans mon courrier ;0(
Ta photo est très belle.
RépondreSupprimerbon dimanche
Rosa
Merci, Rose et très bonne semaine
Supprimer"Le Survenant" un tel titre me donne immanquablement envie d'en savoir plus !
RépondreSupprimerMais qu'est-ce donc que le "petit vert" ?
Et quel rapport a-t-il avec Nathanaëlle ?
Y aurait-il des liens que je n'aurais pas vus dans ce billet ?
Bon dimanche, Marie-Josée
(merci de ta visite au grenier sur la pointe des pieds, j'apprécie)
Nathanaëlle a déjà fait un billet sur ce que j'appelle le «petit vert» qui ne reste que quelques jours avec que les feuilles, pleinement ouvertes, ne tournent au vert foncé.
SupprimerMystère éclairci...
Quant à celui du Survenant, il faudra aller voir.
Bonne semaine chez toi
Ah ! c'est donc un moment fugitif, un peu comme l'heure bleue.
SupprimerJe m'en souviendrai :)
un vert délicatement tendre ! une auteure que je ne connais pas Mais je ne connais que peu de chose du Quebec
RépondreSupprimermerci et belle semaine
Bonjour Jeanne,
SupprimerIl m'arrive, de temps en temps, de parler d'auteurs d'ici, car je suis professeur de littérature.
Très bonne semaine
Merci pour ces références. C'est vrai que la littérature québécoise me reste inconnue. Un tort c'est sûr.
RépondreSupprimerTu sais, Amartia, le monde des blogs étant un lieu de convivialité et d'amitié pour nous, pas besoin de battre ta coulpe. Tu viens d'apprendre quelque chose sur la littérature québécoise? Tant mieux... Tu en resteras là? C'est comme ça... Les journées ont vingt-quatre heures, et il vaut mieux les vivre plutôt que de les lire... C'est ma philosophie un peu iconoclaste pour un prof de lettres, mais c'est tout de même la mienne.
SupprimerBonne semaine batifolante chez toi
Quelle jolie surprise en arrivant ici : le tendre regard de la belle Honey.
RépondreSupprimerAh ce vert cru et printanier, plein de charme... Quant à cet auteur, Germaine Guèvremont, je me suis régalée de lire l'extrait que tu as mis ici, j'ai fait une petite recherche :
http://www.librairiedeparis.fr/listeliv.php?RECHERCHE=simple&MOTS=Germaine+Gu%E8vremont+&x=16&y=12
On trouve donc cet auteur en France, je vais cette semaine chez mon libraire commander un de ces ouvrages.
Bisous et beau printemps Marie-José
Oui, je crois qu'elle m'accompagnera longtemps! Je l'incite à faire comme dans Tous les matins du monde et elle est venue me faire un petite visite en rêve samedi matin. Je ne dis pas les grandes eaux au réveil!!!
SupprimerPour Guèvremont, commence par Le Survenant, car elle n'a écrit que trois livres et les deux autres tournent autour de celui-ci... Tu me diras si tu apprécies.
Bisous et bel été, car nous sommes passés sans transition de l'hiver à l'été!!! Honey n'aurait pas apprécié la chaleur...
toute une littérature à découvrir... mon Dieu aurais-je le temps de lire tous ces livres qui me tentent !
RépondreSupprimerbonne semaine et merci pour les référence Marie Josée
Il faut déjà vous faire une raison, Josette : non, vous n'aurez pas le temps!
SupprimerApprécions donc ceux qui nous intéressent et laissons rapidement de côté ceux qui nous tombent des mains à la troisième page...
Bonne semaine chez vous!
J'aime le conseil que tu donnes à Josette. Je suis d'accord, pas de temps à perdre avec les ouvrages qui ennuient. C'est tellement bon, un bon livre ! Alors, le choix est vite fait :-)
RépondreSupprimerBonjour à tante Huguette et à son chat, qui travaillent dos à dos et avec une grande attention dans "le petite vert" de chez vous !
"Le Survenant" un titre qui a lui tout seul, donne envie de lire mais surtout après ton alléchant billet !
Oui... le chat de ma tante est d’une grande aide lorsque son attention n'est pas attirée par les insectes ou les feuillages qui tressaillent...
SupprimerQuant au grand-dieu-des-routes, autre nom donné au Survenant, c'est un beau personnage de la littérature québécoise. J'espère que tu pourras faire plus ample connaissance...
Que de BLEU-CIEL dans ta première image... avec ces petites pointes de vert toutes fraîches qui nous donne un bon goût de rajeunissement : c'est sûr, le printemps a mis un pied chez toi !
RépondreSupprimerbiseeeeeeeeeeeeees de Christineeeeeeeeeeeeee
Comme tu le sais, j'aime beaucoup le bleu et je n'ai pas oublié mon projet. Mais la combinaison bleu-vert! Ce n'est pas très occidental, mais cela me fait craquer à tout coup!
SupprimerBisous
Bonjour Marie-Josée. J'aime beaucoup lorsque tu nous donnes des conseils de lecture. C'est sympa de nous donner des infos pour aborder la littérature québécoise. Merci :-)
RépondreSupprimerTa photo de jeunes feuilles vertes sur fond de ciel bleu me rappelle mon premier voyage au Québec. C'était en mai et j'ai eu l'impression que le printemps explosait en à peine quelques jours, transformant les arbres dénudés et gris en joyeux porteurs de verts tendres. Cette transformation si rapide des paysages m'a beaucoup surprise et je n'ai pas oublié cette puissante sensation de renouveau.
Très bonne fin de semaine à toi Marie-Josée :-)
Tu sais, c'est un peu un prolongement de ma profession... j'essaie seulement de ne pas tomber dans un didactisme trop lourd en ouvrant des portes que le lecteur choisit ensuite ou non de pousser.
SupprimerLe phénomène que tu décris s'est à nouveau produit cette année, et j'ai décidé que je ne le laisserais pas passer cette fois-ci, car, en à peine quelques nuits chaudes, les feuilles sont complètement ouvertes et le petit vert que j'aime tant disparaît jusqu'à l'année suivante. J'ai donc tout laissé de côté pour sortir faire quelques photographies avec une amie et j'ai eu raison : cette semaine, le petit vert a disparu!
Bonne semaine à toi aussi.