Petits essais en forme de notules

Malraux définit le lecteur par vocation comme celui qui jouit de «la faculté d'éprouver comme présents les chefs-d'oeuvre du passé»...



Je souscris à cette définition et m'attacherai à présenter ici quelques réflexions au fil de mes lectures qui suivent rarement l'actualité littéraire, pour le plaisir de partager découvertes ou, éventuellement, récriminations... . Quoique, la vie étant bien courte, il vaut mieux, dans la mesure du possible, écarter le désagréable lorsque cela, comme il arrive trop rarement, est en notre pouvoir et vouloir.






dimanche 23 octobre 2011

En guise de réponse…


Dans mon billet précédent, j'exprimais sur le vif une certaine lassitude devant l'attitude, pour reprendre le mot de Tilia, un peu désinvolte de beaucoup de mes étudiants.


Maia et Françoise (autourdupuits) se sont voulues rassurantes et le dernier billet de Françoise montre bien qu'elle parle en toute connaissance de cause puisqu'elle est amenée à côtoyer beaucoup de jeunes grâce, entre autres, aux petits festins qu'elle leur concocte en maman attentive doublée d'une cuisinière hors pair d'après ce que son blog annonce. Elles ont donc toutes deux évoqué le respect ou la reconnaissance manifestés par certains jeunes à l'endroit de leurs enseignants…


Le hic, c'est que cette reconnaissance qui mettrait certes un peu de baume au cœur est rarement exprimée aux principaux intéressés, pour différentes raisons. Au Québec, le temps limité de contact (16 semaines au collégial) joue en défaveur de l'approfondissement du rapport, car, de part et d'autre, à peine apprenons-nous à nous connaître qu'il est déjà temps de passer à une autre session.


Je crois par ailleurs que l'aura de l'enseignant s'est beaucoup ternie au fil des décennies. Je ne connais pas la situation de l'Espagne, mais les baladodiffusions et les bulletins d'informations français que j'écoute me montrent bien que le prof est souvent perçu comme une quantité négligeable, pas plus reconnue par la société que par les étudiants. Le savoir que nous dispensons, surtout dans un domaine comme la littérature, apparaît comme vieillot, et complètement dépassé, sans compter le fait que la fragmentation de l'attention engendrée par divers phénomènes dont la surconsommation des média électroniques de toutes sortes nuit beaucoup, peut-être de façon irréversible, à certaines capacités, comme celle de lire des textes longs qu'imposent les études philosophiques et littéraires.


Ma vision des choses est pessimiste? Un peu…il me semble que, pour agir, il faut reconnaître, nommer et circonscrire correctement les problèmes et je ne suis pas certaine que ce soit ce que nous sommes en train de faire. L'énergie dispensée, parfois même dispersée, en classe laisse peu d'allant pour une réflexion approfondie sur les mutations que nous vivons et qui ont un impact majeur sur ce qui se passe en classe.

Souhaitez-moi donc surtout une santé plus florissante que ces dernières années, car il en faut beaucoup pour qui a dorénavant la prétention de faire oeuvre d'enseignement.

8 commentaires:

  1. Impossible de laisser ce billet sans commentaire. Comme vous pour mon billet sur Teofil, j'ai pris le temps d'y réfléchir. Et je ne peux malheureusement qu'abonder dans votre sens. Chez nous, c'est l'avenir de toute la Culture, et pas seulement l'enseignement des Lettres, qui devient problématique.

    De tous temps, mais encore plus à notre époque, la vocation a été une condition impérative pour exercer le métier d'enseignant.
    Mais de nos jours les vocations se font de plus en plus rares et les enseignants chevronnés partent en retraite sans que la relève soit assurée.
    L'enseignant est pourtant la cheville ouvrière de notre système éducatif. Pour intéresser les enfants, il faut qu'ils aient en face d'eux un professeur qui sache leur communiquer son intérêt pour telle ou telle matière.
    Malheureusement l'État n'offre plus une formation solide et de qualité aux futurs enseignants. Pire, il réduit les effectifs de profs, qui se retrouvent alors avec des classes surchargées.

    Et c'est pareil pour tout le Service Public. Les mêmes problèmes de manque de vocations et de réduction d'effectifs se posent dans le secteur de la Santé...

    Le mur se rapproche dangereusement et je ne vois personne capable de redresser le volant !

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  2. Vous savez, Tilia, même si ma lassitude, que je n'ai pas su taire, a déclenché cet échange, je me dois de dire que, pour ceux qui nous suivent, enfants, petits-enfants, neveux ou nièces, il est impossible, pour vous comme pour moi de baisser les bras.

    Continuons donc à entretenir notre matière grise tout en tentant de développer celle de ceux qui nous entourent en espérant que, ce faisant, nous travaillons à l'élaboration d'un monde meilleur ou au maintien d'une lueur qui semble, pour le moment, sous le boisseau, mais qui renaîtra peut-être un jour...

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  3. Désolée de ne pas avoir pu prendre le temps de revenir vers vous. J'avoue avoir un agenda un peu bousculée en ce moment.
    Il y a un élément important que nous ne devons pas oublier, ce sont les parents. Les enseignants enseignent, transmettent mais les parents sont les premiers éducateurs. C'est aussi cet élément qui est défaillant. C'est difficile d'être parents, cela demande beaucoup d'efforts: patience, fermeté dans ses convictions, temps.
    Aujourd'hui, la télé sert de nourrice, le plateau télé remplace les dîners en famille, le "oui à tout" pour avoir la paix et éviter les conflits empêche les enfants de se confronter à une étape essentiel de leur développement : la frustration, qui permet de dépasser la satisfaction immédiate des désirs.
    J'en passe et des meilleurs! Si les parents ne peuvent ou ne veulent plus assumer leur rôle, quels jeunes arrivent alors dans les écoles?
    L'enseignant ne peut pas se substituer aux parents.
    Enfin j'ai l'impression de redire des banalités, mais il me semble que l'on ne peut pas "charger" en permanence les hommes et les femmes qui ont choisi la mission d'enseigner.
    A travers ce message, je profite de l'occasion pour saluer Josée Costes. Elle fut mon professeur d'espagnol. Elle est décédée très jeune, tout de suite après mon bac, et je n'ai pas pu lui dire beaucoup combien elle compte encore aujourd'hui pour moi. Elle a été un vecteur de savoir, elle a développé mon sens critique et tant de choses. Près de 40 ans après, je pense toujours à elle. Je lui dédie une pensée d'ailleurs dans mon premier livre. Que ce petit message lui témoigne mon affection et mes remerciements éternels.
    Je suis certaine que chaque élève gardera en lui (même inconsciemment) une petite trace de savoir, de respect, de curiosité d'un de ses professeurs.
    Je vous embrasse
    Maia

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  4. L'accompagnement et le soutien des parents sont en effet des adjuvants puissants pour l'enseignant, car, même à mon niveau où les étudiants atteignent rapidement 18 ans et ne relèvent donc plus de l'autorité parentale, le rôle des parents peut parfois être dévastateur. Je ne vous raconterai pas les démêlées avec une mère d'élève -il avait encore 17 ans, il fallait donc écouter ses jérémiades!- qui mettait très nettement de l'avant les performances de son fils au Hockey au détriment de sa formation académique!

    Il faut dire que le Hockey est notre sport national et que les millions qu'engrangent les joueurs sélectionnés sont bien attrayants, mais ce ne sont pas des considérations avec lesquelles nous devrions avoir à composer dans une salle de classe.

    Je devrais publier, dans un jour ou deux, un billet plus facétieux qui nous permettra d'oublier un temps les affres du monde dans lequel nous vivons, car ceEst aussi ce à quoi devraient servir photographie, peinture et récit lorsqu'ils sont bien troussés, histoire, ce faisant, de reprendre des forces pour revenir avec plus de sérénité combattre les démons!

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  5. Bonjour Marie-Josée. Je venais faire un petit tour dans votre domaine, pour vous remercier de votre inscription chez moi.... Et ça commence très fort. Je prendrai le temps de relire ces pages et d'en découvrir d'autres avant de répondre plus complètement. Je travaille moi aussi avec la jeunesse de mon pays (la France), même si je ne suis pas dans l'enseignement. Et j'ai bien peur de ne pas (plus) être optimiste du tout... J'y reviendrai.
    Merci en tout cas, et bonne journée.

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  6. Bonjour Odile,

    Malgré ma lassitude, j'essaie de ne pas trop voir les choses en noir, mais il arrive que la coupe soit pleine!

    Au plaisir de vous retrouver bientôt pour échanger sur nos perceptions respectives, de part et d'autre de l'Atlantique, d'une jeunesse qui continue tout de même à avoir besoin de nous!

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  7. Je rejoindrai Maïa sur beaucoup de ses propos.
    Je pense que ce ne sont pas tant les jeunes qui sont fautifs que leur parents.
    Il y a une grande démission de la part des parents,et puis tellement plus facile de dire oui que de dire non.
    Pour à travers mes fonctions être confrontée à plus de 600 élèves et leurs parents chaque jour et ce depuis 24 ans je peux affirmer que les choses ont beaucoup changé.
    Et finalement les parents sont comme les enfants ils ont besoin qu'on leur dise non,qu'on les frustre.
    Comme le dit Maïa la télé sert de nourrice,j'appelle ces enfants qui sont livrés à eux-mêmes très tôt le matin des "enfants clés",ils ont tous ou presque la clé de chez eux autour du cou.
    Nous vivons dans un monde de consommation où l'éducation est un mot galvaudé.
    Vous savez pour ma part je fais figure d'extraterrestre lorsque je rapporte que j'héberge nos enfants et leurs amis afin qu'ils puissent réviser dans de bonnes conditions.
    Les mères ne veulent plus se donner cette peine.
    Si elles savaient à côté de quoi elles passent!
    Un grand moment de bonheur et de complicité

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  8. Vous savez, Françoise, peut-être y a-t-il une chose qui n'a pas changé : il est toujours aussi difficile de ramer à contre-courant... Parents et enfants sont pris dans une spirale d'apparences où les objets et les vêtements affichés tiennent lieu de carte d'identité. Et pour se procurer ces biens, le nécessaire travail des deux parents laisse bien peu de place et de temps pour une vie familiale comme celle que vous décrivez qui est celle que j'ai moi-même vécue puisque ma mère avait fait le choix de délaisser son métier d'institutrice qu'elle adorait pour se consacrer à l'éducation de ses enfants. C'était une autre époque.

    Pour avoir des amis qui ont fait le choix de travailler moins pour se consacrer davantage à leur vie familiale, je sais que cela est possible, mais les personnes qui ont suffisamment de force pour résister aux pression du plus grand nombre ne sont pas légion.

    Encourageons-nous donc à constituer de petits foyers de résistance et prenons appui les uns sur les autres pour tenter de commencer à renverser la vapeur...

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