Petits essais en forme de notules

Malraux définit le lecteur par vocation comme celui qui jouit de «la faculté d'éprouver comme présents les chefs-d'oeuvre du passé»...



Je souscris à cette définition et m'attacherai à présenter ici quelques réflexions au fil de mes lectures qui suivent rarement l'actualité littéraire, pour le plaisir de partager découvertes ou, éventuellement, récriminations... . Quoique, la vie étant bien courte, il vaut mieux, dans la mesure du possible, écarter le désagréable lorsque cela, comme il arrive trop rarement, est en notre pouvoir et vouloir.






jeudi 22 décembre 2011

Noël à la chandelle!


Noël verdâtre, voire même grisâtre plutôt que le célèbre White Christmas de Bing Crosby, passe encore. Sul lago di Garda ou à New York, cela peut même avoir son charme avec les décorations sur la Fifth Avenue ou les déambulations sur la place du village le 24 décembre. Mais Noël sous le verglas? Je dis : «Halte-là!» Risquer de se rompre les os dès que l'on pose le début du commencement du gros orteil hors de chez soi, c'est pratique pour les emplettes ou les visites à la parentèle!

Évidemment, nous avons déjà connu pire : ce n'est certes pas le grand verglas de 1998, celui qui avait tellement surchargé de glace les fils électriques que leur poids avait entraîné l'affaissement des pylônes qu'ils reliaient provoquant, à la grandeur de la province, des pannes qui durèrent des jours et parfois même des semaines.

Mais il y a, dans mes souvenirs, un autre Noël verglacé. Remontons un instant le cours du temps, comme souvent nous aimerions pouvoir le faire en cette période de l'année…





Reliquats du verglas du 21 décembre 2011


C'est le soir du réveillon! Comment décrire la riche odeur qui embaume la maison? C'est le parfum de la dinde dont la cuisson s'étalera sur plusieurs heures qui domine tout le reste. Comme nous serons une vingtaine autour de la table à laquelle on a ajouté sa rallonge, il faut un volatile de belle envergure qui sera même un peu à l'étroit dans la grande lèchefrite que l'on ne sort que pour cette occasion. Pas de farce. C'est chez ma grand-mère que l'on déguste la farce de pommes de terre à laquelle on ajoute de petits morceaux d'abats. À la maison c'est la dinde majestueuse et dorée, arrosée à de multiples reprises pendant la cuisson pour qu'elle prenne cette belle couleur qui fera saliver.

Évidemment, il y aura aussi le ragoût de boulettes, veau et porc ici, et pas de pattes de cochon, car ma mère aime la bonne chère, mais pas trop le gras. Et puis la tourtière, servie en entrée. Ma mère oubliera, toutefois la tentative de l'an dernier : mettre une petite bougie rouge au milieu de chaque  tourtière individuelle; au premier coup d'œil, la présentation était jolie, mais en fondant, la cire se mêla à la viande. Plutôt indigeste! C'est ailleurs qu'il faudra mettre les chandelles… Pour cette année, on est revenu à la grande tourtière que l'on servira en pointes, accompagnée des marinades, cornichons et betteraves, et du ketchup aux fruits –la recette de l'émérite cuisinière, ma tante Clarisse!- préparés à l'automne au moment des  récoltes abondantes.

Puis ce sera la parade des desserts : le gâteau aux fruits dont mon père est friand; personnellement, je préfère le gâteau au lard et aux noix longues, mais c'est la chasse gardée de ma grand-mère; les tartes aux pommes et les tartelettes au sucre, les sablés au beurre et la célèbre salade de fruits. «On sera pas à pied!» Manière de dire qu'on ne ressortira jamais autrement que la panse bien pleine de chez Louisette!

Le matin du 25 arrive. Pas question de faire la grasse matinée. Il faut dresser la table et préparer les choses de dernière minute. C'est fou ce que les journées rapetissent quand on attend des invités! Mon statut d'enfant me dispense encore de mettre la main à la pâte et, comme mon père n'a pas pelleté la patinoire dont la glace est un peu ramollie à cause d'un soudain redoux, je regarde à la télé mon film préféré du 25 décembre : celui où le père Noël rencontre toutes sortes d'obstacles au cours de sa distribution de cadeaux, car le diable à la queue fourchue le poursuit et l'embête, susurrant de mauvais plans à l'oreille des enfants. Mais le bonhomme en rouge se venge et, découvrant un petit char d'assaut parmi les cadeaux, il décoche une flèche, vlan! en plein dans les fesses du diable qui se lamente un bon moment!




La noirceur prenant, il est temps de partir le feu sous les patates : la dinde est dépecée, les tourtières n'auront qu'à être réchauffées. Mais la température qui tourne autour du zéro n'a pas l'humeur à la fête, et il se met tout à coup à pleuvoir, mais de cette pluie que l'on nomme chez nous pluie verglaçante. Ce sont de fins cristaux de glace qui tombent et qui ont vite fait de transformer tous les chemins en patinoire, le moindre parcours devenant alors des plus périlleux.




Ma tante Thérèse nous en fait d'ailleurs la démonstration, car, venant en éclaireur, elle tente de franchir la petite distance qui sépare ma maison de celle de mes tantes et de mes grands-parents. Nous la regardons venir et cela ne manque pas : patatras! Les quatre fers en l'air! Heureusement, comme elle ne mesure que cinq pieds, elle ne tombe pas de très haut, mais tout de même! Mon grand-père sortira donc la voiture pour amener le reste de la famille sans encombre jusqu'à l'entrée où mon père a répandu du sel.

Le petit chemin patinoire entre les deux maisons

Mais, qui dit pluie verglaçante, dit aussi panne d'électricité assurée. Et cela ne manque pas : à dix-sept heures pile, plus de courant! Vous imaginez ce que cela veut dire pour une maîtresse de maison qui se trouve privée de four alors qu'elle aura vingt convives à servir?


Nous allumons donc des chandelles un peu partout dans la grande maison, et ce serait assez féérique s'il n'y avait pas la question du repas… Élevé à la campagne pendant la grande dépression et second d'une famille de neuf enfants, mon père n'est jamais vraiment à court de ressources. Il allume donc le petit poêle à bois qui se trouve dans le sous-sol et, en l'approvisionnant régulièrement, le four de secours devient assez chaud pour qu'on puisse terminer, sur ses ronds, la cuisson des pommes de terre et réchauffer ce qui a besoin de l'être dans la grande lèchefrite qui fait un peu office, avec son couvercle, de Bar-B-Q!


 Il fallut évidemment de nombreuses montées et descentes du sous-sol à la cuisine, mais l'aventure se termina assez bien avec un peu plus de fatigue dans les jambes de ma mère tout de même fière de son Noël éclairé à la chandelle!


Noël 1963
Un très beau Noël 2011
aux nostalgiques et aux autres!

18 commentaires:

  1. La table a l´air bien bonne dans la famille de Marie-Josée.

    Bon Noël

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  2. J'adore ton histoire qui ressemble à un conte de Noël, mais en bien mieux, vu que c'est du vécu !

    Et la photo de Noël 1963 est très mignonne : laquelle est Marie-Josée ? La blondinette de gauche ou celle à robe rouge ? J'ai vaguement une petite idée !!

    J'espère que tu n'as plus trop de problèmes avec ta gouttière et les glaçons qui vont avec !

    Je te souhaite de belles fêtes... avec une belle table aussi bien garnie que celle de tes parents, et sans panne d'électricité !

    Biseeeeeeeeeeeeeeees de Christineeeeeeeeee

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  3. Merci d'avoir partagé avec nous votre souvenir de ce Noël canadien réussi malgré les intempéries. Vous le racontez fort bien, on a l'impression d'y assister. Merci pour cette évocation si vivante, et j'espère que la température du Noël de 2011 sera plus clémente. Je vous le souhaite très agréable, en compagnie de ceux que vous aimez.
    Anne

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  4. Belles fêtes de fin d'année Marie-Josée, que la lumière de ces fêtes de Noël éclabousse toute votre maison, pour vous remplir le coeur de paix et de joie.
    Reposez-vous aussi un petit peu, pour attaquer 2012 en pleine forme.
    Pensez à faire une petite caresse sur le museau de notre chère Honey, qui a mérité un petit chocolat que vous voudrez bien lui donner de ma part.
    Je vous embrasse Marie-Josée et vous souhaite de tout coeur un Joyeux Noël

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  5. @ Alba

    Je ne suis pas une cuisinière aussi émérite que ma mère, il s'en faut, mais j'essaierai tout de même de chermer le palais de mes invités!

    Très bon Noël à vous.

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  6. @ Christine

    Les gouttières, ça va, pour le moment, mais c'est le toit qu'il faut refaire, misère de misère...

    Heureusement que de bons souvenirs se rattachent à cette maison!

    Je te souhaite, à toi aussi, un très bon Noël et, qui sait, peut-être un jour la possibilité de la célébrer de ce côté de l'Atlantique ;0)

    P.S. Pour la poupée... Tu sais, la couleur de mes cheveux suscitait uen drôle de réaction : les gens me touchaient la tête comme pour flatter un chien. Pas besoin de te dire que cela, en contrepartie, me donnait envie de mordre!

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  7. Merci, Anne, je vous offre également mes meilleurs voeux pour un Noël 2011 à la hauteur de vos espérances!

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  8. Merci pour tous ses voeux, Maïa, mais vous me permettrez d'omettre le chocolat à Honey, car les chiens peuvent mourir de l'absorption de cette friandise qui fait notre plaisir! Petite info en passant ;0) Elle aura plutôt un nouveau coussin pour se prélasser au coin du feu pendant que la maîtresse fait ses lectures!

    Un très beau et bon Noël à vous aussi et l'essentiel pour 2012 : cette santé qui nous permet d'affronter vents et marées d'un monde qui ne se remet guère de ses tempêtes!

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  9. Quel beau conte de Noël pour commencer ce 24 décembre.

    Merci et Joyeux Noël.

    Linda

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  10. Merci Linda!

    À vous aussi, un très Joyeux Noël finalement blanc dans mon coin du Québec! Dans le vôtre aussi?

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  11. Trop beau Marie-Josée, merci de nous l'avoir racontée, cette belle histoire... Et surtout pas question de te fouler les orteils... reste au chaud avec ton chien et les bûches... Moi en guise de bûches je vais allumer les bougies et sortir les grandes poêles :-)))

    Passe un bon Noël Marie-Josée un bon nouvel an aussi, moi je te souhaite une magnifique santé et des bonnes lectures... Des joies, des bonheurs dans presque tout :-)))Tu peux doser comme tu veux !!

    je t'embrasse fort, prends bien soin de toi, à tout bientôt.

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  12. Un très, très bon Noël Danielle! Je sens que tes invités vont bien se régaler!

    Si nous ne nous reparlons pas d'ici là, je te souhaite, moi aussi, une très belle année 2012 remplie de tous ces petits plaisirs que tu sais si bien nous faire partager.

    Je n'oublie pas la santé qui est le substrat nécessaire pour toutes les activités!

    Moi aussi je t'embrasse et je vais de ce pas mettre une bûche dans le foyer, car la nuit menace encore de descendre sous la barre des moins quinze!

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  13. Merci de partager vos souvenirs Marie-Josée. Un Noël un peu perturbé, mais dans la chaleur du foyer et des bougies !

    Sans aller jusqu'au contes fantastiques, les histoires étranges au moment de Noël ne sont pas rares. Je me souviendrai toujours d'une veillée de Noël dans mon enfance durant laquelle ma mère était descendue à la buanderie, qui faisait office de cave puisqu'elle n'était chauffée. La porte de cette pièce fermait à clé, car elle communiquait avec le garage et donc plus ou moins avec l'extérieur. En y entrant ma mère avait laissé la clé sur la porte et au moment de repartir, impossible pour elle d'ouvrir la porte ! la clé avait été tournée et elle était bel et bien enfermée dans la pièce. Heureusement qu'il y avait un moyen de communication, que ma mère utilisait quand elle était occupée à faire la lessive et qu'elle avait besoin de quelque chose. Elle frappait avec un bout de bois sur le tuyau d'évacuation d'eau qui descendait de la cuisine se trouvant juste au-dessus. Ce qui lui permis de ne pas moisir dans la buanderie un soir de Noël en attendant que mon père s'inquiète de son absence bizarrement prolongée. Mais le mystère de son enfermement demeure inexpliqué, on a jamais su comment cette clé avait pu tourner toute seule dans la serrure !...

    La photo de vous petite à côté d'une poupée presqu'aussi grande que vous est un très beau cadeau que vous nous faites. Que préfériez-vous, le nounours ou la poupée ?

    Que ce jour de Noël vous comble de joie, Marie-Josée, vous et tout votre entourage.

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  14. J'arrive un peu tard ayant failli passer Noël au fond de mon lit!!!
    De magnifiques souvenirs que vous partagez avec nous de façon toujours aussi enlevée et pittoresque
    Un Noël comme nous ici sur l'autre continent on en rêve
    Passez un très bon Noël
    Je vous embrasse

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  15. @ Tilia

    Votre mère a donc été victime des lutins plutôt que de la fée électricité? Effectivement, tout peut arriver en cette veille de Noël avec tous les êtres qui se déplacent dans les cieux!!!

    Je vous enverrai bientôt un cliché qui vous montrera mes préférences enfantines qui se sont poursuivies jusqu'à l'âge adulte. Vous vous doutez un peu de ce que vous recevrez?

    Encore un très bon Noël à vous, Tilia, entourée de vos enfants et de vos petits-enfants!

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  16. Bonjour Françoise,

    J'espère que ce 25 décembre vous voit enfin sur pied et d'attaque pour les festivités!

    Ce Noël rêvé, comme vous vous en doutez, fait de jolis souvenirs à raconter, mais la cuisinière émérite que vous êtes aurait sans doute eu, comme ma mère, des sueurs froides au moment où l'événement s'est produit!!!

    Passez donc un très bon Noël, vous aussi!

    Je vous embrasse avec un museau un peu givré, ne vous en déplaise, car il fait toujours -14 degrés au moment où je vous écris! Souhaitons que l'électricité ne manque pas, car il faudrait alors que j'aille dévaliser la réserve de bois de mes tantes parties célébrer dans les Laurentides aujourd'hui!!!

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  17. Magnifique! Merci

    Carole

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  18. Merci de ton passage Carole et à bientôt

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