Dimanche dernier, j'attendais avec impatience de pouvoir télécharger l'émission portant sur la philosophe Simone Weil, car cette femme m'accompagne depuis l'adolescence au même titre que Gabrielle Roy dont elle partage d'ailleurs la date de naissance : 1909. Mais Simone Weil est morte quarante ans plus tôt que Gabrielle Roy, en 1943 donc, dans un hôpital londonien où elle refusait de soigner adéquatement la tuberculose dont elle souffrait. Son organisme, qu'elle n'avait jamais ménagé, était complètement épuisé et elle refusait malgré tout de prendre les laitages qu'on lui prescrivait, prétextant qu'elle ne pouvait boire ce lait dont les enfants français étaient au même moment privés...
Réfléchissant depuis plus de trente ans à la destinée de Simone Weil, je n'arrive jamais à trancher et à me faire une opinion arrêtée une fois pour toutes. Simone Weil pose en effet, d'une façon un peu particulière, le problème de l'égoïsme dont je parle souvent à mes étudiants lorsque j'évoque l'Antigone d'Anouilh. À la différence de celle de Sophocle, lumineuse, la jeune femme d'Anouilh, privée d'un lien avec la transcendance, est toute tournée vers elle-même. Le destin qu'elle choisit d'assumer, et c'est là toute la singularité de cette héroïne qui n'est pas si loin des héros existentialistes, est-il marque de courage ou de lâcheté?
On ne peut certainement pas accuser Simone Weil de lâcheté... Pourtant, son entêtement à mourir est questionnable : bien qu'il prenne racine dans son désir de ne pas s'accorder plus d'importance à elle-même qu'aux autres, et, dans le cas qui nous occupe, plus précisément aux enfants victimes de rationnement dans la France occupée, à moyen terme, son attitude a privé d'autres jeunes et moins jeunes d'une pensée et d'un enseignement qu'elle aurait pu leur prodiguer à travers son oeuvre écrite, importante, bien que la philosophe soit morte à trente-quatre ans, ou plus directement grâce aux cours qu'elle avait un temps assurés auprès des ouvriers et qui portaient sur la littérature grecque, car elle soutenait que ces textes anciens leur apportaient un message qu'ils étaient parfois plus à même de comprendre intimement que certains lettrés.
Certes, Simone Weil, à l'instar d'Antigone, a acquis le statut de figure incandescente en grande partie grâce au brusque arrêt de sa destinée, la mort des êtres jeunes frappant davantage l'esprit puisque ce n'est pas là le cours normal des choses. On pensera aussi à James Dean ou même à Lady Di dans un tout autre domaine. L'aura qu'ils ont acquise aurait certainement été différente s'ils n'avaient pas été frappés en pleine course.
Il aurait été tellement intéressant eut-elle vécu aussi longtemps que Gabrielle Roy, d'observer les métamorphoses de la pensée de Simone Weil découvrant le goulag stalinien et donc l'échec de cette révolution à laquelle elle avait tellement aspiré.
Certes, Simone Weil, à l'instar d'Antigone, a acquis le statut de figure incandescente en grande partie grâce au brusque arrêt de sa destinée, la mort des êtres jeunes frappant davantage l'esprit puisque ce n'est pas là le cours normal des choses. On pensera aussi à James Dean ou même à Lady Di dans un tout autre domaine. L'aura qu'ils ont acquise aurait certainement été différente s'ils n'avaient pas été frappés en pleine course.
Il aurait été tellement intéressant eut-elle vécu aussi longtemps que Gabrielle Roy, d'observer les métamorphoses de la pensée de Simone Weil découvrant le goulag stalinien et donc l'échec de cette révolution à laquelle elle avait tellement aspiré.
Je dois dire chère Felice que Simone Weil reste une énigme pour moi, à mi-chemin entre Sainte Thérèse de Lisieux qui est morte aussi de la tuberculose...et la folie... Non ?
RépondreSupprimerJe me demande bien ce que devais comprendre les ouvriers à ses cours ?
Bises du dimanche.
Bonjour Danielle,
RépondreSupprimerAprès son décès, le catholicisme auquel elle n'avait pourtant jamais voulu adhérer, a un peu récupéré Simone Weil... Personnellement, je la vois surtout comme un être doué tout à la fois d'une intelligence exceptionnelle et d'une hypersensibilité qui la conduisait à endosser les malheurs du monde comme peu d'êtres le font. À cela s'ajoute une valeur qui ne me semble pas suffisamment valorisée de nos jours : la cohérence. Elle a, sa vie durant, tenté de donner suite, par ses gestes, à ce qu'elle pensait. Ce n'est pas si fréquent.
Quant à ses cours sur la littérature grecque, il ne faut pas oublier que les textes d'Eschyle ou de Sophocle étaient tout d'abord écrits pour être présentés à l'ensemble du peuple d'Athènes, les plus pauvres recevant même des billets payés par les citoyens plus aisés puisque la catharsis était le propos d'un théâtre destiné à tous. C'est tout récemment qu'on a rendu inaccessibles les textes de l'antiquité gréco-latine etn supprimant les cours qui y donnaient accès dans les écoles, ce qui est bien dommage...