Petits essais en forme de notules

Malraux définit le lecteur par vocation comme celui qui jouit de «la faculté d'éprouver comme présents les chefs-d'oeuvre du passé»...



Je souscris à cette définition et m'attacherai à présenter ici quelques réflexions au fil de mes lectures qui suivent rarement l'actualité littéraire, pour le plaisir de partager découvertes ou, éventuellement, récriminations... . Quoique, la vie étant bien courte, il vaut mieux, dans la mesure du possible, écarter le désagréable lorsque cela, comme il arrive trop rarement, est en notre pouvoir et vouloir.






dimanche 4 décembre 2011

Thank you very much indeed!


As I've spent my first seven years in the States, I speak mostly English even if my dear, dear mistress is trying to teach me French and a little bit of Italian.

I just wanted to say that I was deeply touched by your messages. I'm feeling quite well now and I'm ready for new adventures –quiet ones though!- with MJ.


See you soon


Honey Comb



samedi 26 novembre 2011

Un grand merci à tout le monde

Bonjour à toutes!

Je vous remercie beaucoup pour toutes les suggestions que j'ai prises en note!  J'ai déjà commandé certains livres et je vais en réserver d'autres à la bibliothèque.  Je me prépare donc de fort belles vacances de fin d'année!

Pour le moment, je suis toutefois un peu dépassée par les événements et très fatiguée.  Les deux dernières semaines de la session sont toujours chargées de corrections et, la fatigue aidant, je tire encore plus de la patte!

Pour arranger les choses, mon chien que j'adore a été attaqué par une bête furieuse, ce qui l'a passablement sonné et moi aussi.  Il y a eu plus de peur que de mal, mais tout de même! Cette vieille dame paisible -je dis toujours mon chien, mais c'est en fait une chienne!- qui s'est fait terrasser par un monstre noir alors que nous passions simplement dans la rue, c'est trop proche de ce qui vivent les humains pour ne pas faire un peu d'anthropomorphisme traumatisant!

Je vous reviens donc bientôt, une fois que nous nous serons remises de nos émotions et bien reposées.

J'espère que chacune d'entre vous se porte bien.

Au plaisir

Marie-Josée et Honey




lundi 21 novembre 2011

Appel à tous!

En janvier prochain, je donnerai à nouveau le cours consacré à la littérature française du XXe siècle.  Je garde Combray comme oeuvre inaugurale et j'enchaînerai probablement avec l'Antigone d'Anouilh à laquelle j'ai très envie de joindre, cette session, l'étude de Médée du même auteur, car notre petite société a été marquée, l'été dernier, par le procès d'un chirurgien qui a assassiné ses deux enfants après sa rupture avec leur mère.  Je n'aime pas beaucoup le sordide, mais il me semble approprié de réfléchir avec des filles et des grands garçons de dix-huit ou dix-neuf ans, à ce que veut dire l'engagement et à cette violence qui n'est jamais bien loin au fond de la nature humaine.


Par contre, pour la troisième oeuvre, je voudrais varier un peu.  J'étudie, depuis un bon moment déjà, La Virevolte, à mon sens, le meilleur roman de Nancy Huston, qui plaît beaucoup aux élèves.  J'aimerais toutefois, cette session, remplacer le Huston par une oeuvre qui me permettrait de parler de peinture.  J'ai songé à La bulle de Tiepolo, mais c'est peut-être un peu bref.  La jeune fille à la perle est une oeuvre traduite et il me faut expressément un roman écrit par un auteur français du XXe ou du XXIe siècle. 


Est-ce que quelqu'un aurait lu quelque chose qui répondrait à ces critères et qui serait susceptible d'intéresser des étudiants qui ont l'âge mentionné plus haut?  Optimalement, j'aimerais une oeuvre me permettant de parler de toutes sortes de détails techniques au sujet de la peinture tout en évoquant un courant particulier... Oui, je sais, je pourrais l'écrire, mais, pour janvier, c'est un peu juste ;0)


J'attends vos suggestions et, si nous ne trouvons pas, nous pourrons toujours faire un roman à plusieurs voix!


Bonne semaine!


Détail de la Fresque des Québécois (Basse-Ville de Québec)


samedi 19 novembre 2011

Petit clin d’œil en attendant…


Ayant terminé une pile de copies pour faire cesser le harcèlement de mes étudiants, je croyais pouvoir disposer de ma fin de semaine pour vaquer à des occupations plus roboratives, mais, patatras! vendredi m'est parvenue une enveloppe avec la seconde section du manuel que je révise en ce moment pour une maison d'édition québécoise.
Pour maintenir tout de même le contact avec mon public en délire, j'ai eu l'idée de vous communiquer une information qui m'a amusée, car, de certaines choses, il vaut mieux sourire pour ne pas se mettre à pleurer.

Le Québécois moyen, lorsqu'il ne traverse pas la frontière américaine à un poste désigné, sait tout de même rapidement qu'il ne se trouve plus chez lui : si, tout à coup, les femmes ont pris une vingtaine de kilos ou plus, c'est qu'il vient de pénétrer sur le territoire de nos voisins du sud. Il est vrai que lorsqu'il est impossible de commander la moindre omelette sans qu'elle soit composée de six œufs, l'épidémie d'obésité apparaît comme une conséquence normale. À noter que je ne parle pas de New York, mais New York, c'est si peu l'Amérique…

La première dame des États-Unis a donc entrepris une croisade contre les kilos en trop, mais elle n'est certainement pas au bout de ses peines. Comme les enfants américains rejoignent beaucoup plus rapidement qu'avant leurs parents en matière d'obésité, on a entrepris de réviser le menu des cafétérias scolaires pour en écarter le junk food. Le lobby des fabricants d'aliments surgelés a toutefois remporté une victoire éclatante pour maintenir la pizza dans les écoles en faisant avaler au congrès américain que la pizza doit être maintenue au menu puisqu'elle représente une portion de légumes : n'y a-t-il pas au moins deux bonnes cuillères à soupe de sauce tomate sur chaque pointe?

 Qu'ajouter à cela? un ou deux champignons ;0)?


 

Times Square déserté pour cause de 25 décembre...


dimanche 6 novembre 2011

Vous avez dit «orgueil»?

Jean Anouilh

Avez-vous déjà tenté de définir le mot «orgueil»? je sais... Je rappelle souvent à mes étudiants que la chose qu'ils utilisent pour tenir ouverte la fenêtre de leur appartement vétuste a une fonction première, trop oubliée, qui est celle de fournir les définitions des mots.

Mais le dictionnaire ne dit pas toujours tout et lorsque j'essaie de préciser ce que l'usage met dans le mot «orgueil» et ce que j'y ajoute, il me semble que la définition du dico me serait de peu d'utilité...

Peut-être le mot «orgueil» a-t-il mauvaise presse dans  notre Occident à cause du péché d'orgueil longtemps considéré comme l'un des sept péchés capitaux et pourtant...

Lorsque Créon fustige l'Antigone d'Anouilh en la traitant d'orgueilleuse, retrouvant en elle l'orgueil de son père, Oedipe, il est certain qu'il ne lui fait pas un compliment.  Pour ma part, j'avoue un petit faible pour cette orgueilleuse d'Antigone même si, l'âge aidant, j'évolue petit à petit pour reconnaître que la définition du bonheur de Créon est tout de même plus reposante...

Alceste fait-il preuve d'orgueil lorsqu'il dit à Philinte :

Je voudrais, m'en coutât-il grand'chose,

Pour la beauté du fait avoir perdu ma cause.

Est-ce orgueil, fierté, superbe ou simple entêtement voisinant l'infantilisme de sa part? Cela dépend de la lecture et Dieu seul sait si Le Misanthrope a donné naissance à toutes sortes d'excès.  Je suis encore honteuse, connaissant la pièce par coeur depuis fort longtemps, d'avoir été la seule à applaudir à la fin du texte, il y a quelques années, alors que le metteur en scène avait jugé bon de lui ajouter une rallonge montrant Alceste errant dans une sorte d'antichambre de palais, ce qui était censé signifier que l'homme aux rubans verts était en proie à un accès de folie!


Mais laissons Molière pour revenir à Anouilh, car il est la cause de cette réflexion autour de l'orgueil.

Tout le monde connaît l'Antigone évoquée plus haut, car c'est l'une des rares pièces que la tradition scolaire a retenue de l'oeuvre abondante du dramaturge.  Il est vrai, pour avoir lu plusieurs autres pièces, que l'affrontement de Créon et de sa nièce a une dimension qu'on ne retrouve pas ailleurs.  Je parcours toutefois en ce moment un recueil de fables qu'Anouilh avoue sans prétention et qui sont, de son aveu même, «le plaisir d'un été».  Certaines fables sont originales, mais d'autres sont des réécritures à la manière de ses adaptations de Sophocle par exemple.  L'une d'elles m'a particulièrement retenue à cause de sa chute.  Jugez-en plutôt :

                              Le chêne et le roseau

Le chêne un jour dit au roseau :

« N'êtes-vous pas lassé d'écouter cette fable ?

La morale en est détestable;

Les hommes bien légers de l'apprendre aux marmots.

Plier, plier toujours, n'est-ce pas déjà trop

Le pli de l'humaine nature ? »

« Voire, dit le roseau, il ne fait pas trop beau ;

Le vent qui secoue vos ramures

(Si je puis en juger à niveau de roseau)

Pourrait vous prouver d'aventure,

Que nous autres, petites gens,

Si faibles, si chétifs, si humbles, si prudents,

Dont la petite vie est le souci constant,

Résistons pourtant mieux aux tempêtes du monde

Que certains orgueilleux qui s'imaginent grands. »

Le vent se lève sur ces mots, l'orage gronde.

Et le souffle profond qui dévaste les bois,

Tout comme la première fois,

Jette le chêne fier qui le narguait par terre.

« Hé bien, dit le roseau, le cyclone passé

- Il se tenait courbé par un reste de vent -

Qu'en dites-vous donc mon compère ?

(Il ne se fût jamais permis ce mot avant.)

Ce que j'avais prédit n'est-il pas arrivé ? »

On sentait dans sa voix sa haine

Satisfaite. Son morne regard allumé.

Le géant, qui souffrait, blessé,

De mille morts, de mille peines,

Eut un sourire triste et beau

Et, avant de mourir, regardant le roseau,

Lui dit : « Je suis encore un chêne ».


Quoique qualifié d'orgueilleux, ce chêne ne vous est-il pas immensément sympathique?  Le mot est trop familier; je dirais plutôt qu'il suscite l'admiration par cette fierté qu'il conserve malgré ses déboires et l'approche de la mort.

Qu'en pensez-vous?









dimanche 30 octobre 2011

Trick or treat! Happy Halloween!



pour mes nièces

Détail du tableau de Breughel l'Ancien, La lutte de Carême et de Carnaval.


Les citrouilles et les sorcières s'animent, le soir venu, attendant les fées, les petits monstres, les squelettes ou les derniers personnages à la mode qui déambuleront demain soir dans les rues. Pour quelques heures seulement, la nuit noire devient accueillante pour les enfants qui réclament, au seuil de chaque maison, bonbons et sous pour l'Unicef lorsque la fête se fait utile.

 
Le Québec des dernières décennies a ainsi rejoint la mer anglo-saxonne dans laquelle il tente, tant bien que mal, de surnager. Auparavant, on célébrait plutôt ici le «mardi gras», fête ressemblant à l'Halloween à cause des costumes que l'on revêtait alors pour célébrer le dernier jour de bombance avant l'entrée en carême consacrée par le mercredi des cendres.


Née à la fin du dix-neuvième siècle, ma grand-mère paternelle était une grande joueuse de tours devant l'Éternel, peut-être parce que celui-ci lui en avait joué tout un, à sa naissance, en l'affublant d'un prénom qu'elle abhorrait : Isoline! J'ai pensé, beaucoup plus tard, que ce prénom dérivait probablement du mot italien «isola». Des ancêtres dans la botte? Pourquoi pas. De petite stature, presque toujours vêtue de noir, ma grand-mère aurait très bien pu s'asseoir, pour prendre le frais, au seuil d'une petite maison blanche du bassin de la Méditerranée. Malgré ses croyances religieuses, comme elle aimait se costumer, elle adopta assez facilement la fête de l'Halloween pour remplacer le «mardi gras» qu'on ne «courait» plus guère, comme le voulait l'expression, après la Révolution tranquille. C'est ainsi qu'elle décida un 31 octobre de revêtir l'habit de noces de son mari pour se mêler aux enfants qui allaient recueillir des friandises. Maquillée, coiffée d'un chapeau melon, elle alla donc frapper à la porte du garage d'en face pour présenter son sac afin qu'on y dépose des sous et des bonbons. Mon grand-père maternel se trouvait alors en grande discussion avec son ami le garagiste Hollinger. En souriant, il fit tout haut cette réflexion : «Y'en a des pas jeunes, jeunes qui passent c't'année!», puis il poursuivit la conversation.


Le lendemain matin, après le déjeuner, il traversa chez ma grand-mère paternelle pour lui raconter les aventures du soir précédent et ma grand-mère de répondre : «Je l'sais monsieur Leroux, c'était moi!» Mon grand-père ne voulut pas la croire et elle dut ressortir l'habit de noces retourné dans sa housse pour prouver ses dires!

***
 Le garage de monsieur Hollinger a brûlé quelques années plus tard et je n'ai plus de grand-père ni de grand-mère depuis bien longtemps, mais le souvenir reste vivace de cette femme ricaneuse au ventre rebondi qui riait tellement qu'elle finissait parfois par en perdre son dentier!
 

dimanche 23 octobre 2011

En guise de réponse…


Dans mon billet précédent, j'exprimais sur le vif une certaine lassitude devant l'attitude, pour reprendre le mot de Tilia, un peu désinvolte de beaucoup de mes étudiants.


Maia et Françoise (autourdupuits) se sont voulues rassurantes et le dernier billet de Françoise montre bien qu'elle parle en toute connaissance de cause puisqu'elle est amenée à côtoyer beaucoup de jeunes grâce, entre autres, aux petits festins qu'elle leur concocte en maman attentive doublée d'une cuisinière hors pair d'après ce que son blog annonce. Elles ont donc toutes deux évoqué le respect ou la reconnaissance manifestés par certains jeunes à l'endroit de leurs enseignants…


Le hic, c'est que cette reconnaissance qui mettrait certes un peu de baume au cœur est rarement exprimée aux principaux intéressés, pour différentes raisons. Au Québec, le temps limité de contact (16 semaines au collégial) joue en défaveur de l'approfondissement du rapport, car, de part et d'autre, à peine apprenons-nous à nous connaître qu'il est déjà temps de passer à une autre session.


Je crois par ailleurs que l'aura de l'enseignant s'est beaucoup ternie au fil des décennies. Je ne connais pas la situation de l'Espagne, mais les baladodiffusions et les bulletins d'informations français que j'écoute me montrent bien que le prof est souvent perçu comme une quantité négligeable, pas plus reconnue par la société que par les étudiants. Le savoir que nous dispensons, surtout dans un domaine comme la littérature, apparaît comme vieillot, et complètement dépassé, sans compter le fait que la fragmentation de l'attention engendrée par divers phénomènes dont la surconsommation des média électroniques de toutes sortes nuit beaucoup, peut-être de façon irréversible, à certaines capacités, comme celle de lire des textes longs qu'imposent les études philosophiques et littéraires.


Ma vision des choses est pessimiste? Un peu…il me semble que, pour agir, il faut reconnaître, nommer et circonscrire correctement les problèmes et je ne suis pas certaine que ce soit ce que nous sommes en train de faire. L'énergie dispensée, parfois même dispersée, en classe laisse peu d'allant pour une réflexion approfondie sur les mutations que nous vivons et qui ont un impact majeur sur ce qui se passe en classe.

Souhaitez-moi donc surtout une santé plus florissante que ces dernières années, car il en faut beaucoup pour qui a dorénavant la prétention de faire oeuvre d'enseignement.