Petits essais en forme de notules

Malraux définit le lecteur par vocation comme celui qui jouit de «la faculté d'éprouver comme présents les chefs-d'oeuvre du passé»...



Je souscris à cette définition et m'attacherai à présenter ici quelques réflexions au fil de mes lectures qui suivent rarement l'actualité littéraire, pour le plaisir de partager découvertes ou, éventuellement, récriminations... . Quoique, la vie étant bien courte, il vaut mieux, dans la mesure du possible, écarter le désagréable lorsque cela, comme il arrive trop rarement, est en notre pouvoir et vouloir.






vendredi 31 août 2012

Photo de la semaine (22) : Louise Bourgeois




J'ai failli vous mettre ce que vous voyez ci-dessus, comme photo de la semaine, pour vous montrer qu'en plus de tous mes malheurs estivaux, j'ai failli me prendre ce magnifique nid de guêpes sur la tête, car, sans le savoir, je suis passée dessous à chaque fois que je me rendais chez mes tantes... Comme dirait le premier ministre sortant dont le plus petit défauts est certainement son français approximatif : «Une véritable épée de Démoclès!»

Puis, j'ai pensé à ceci : 



car je suis plutôt fière d'avoir enfin réussi une photo qui ne soit pas floue de ce petit diable cornu qui ne tient pas en place...


mais, en définitive, j'ai plutôt retenu une photographie plus «culturelle» d'une oeuvre de Louise Bourgeois située devant le Musée des Beaux-Arts du Canada où j'ai enfin vu l'exposition consacrée à Van Gogh dont je vous parlerai bientôt... 

Intitulée «Maman», cette araignée appartient à une série d'oeuvres similaires de l'artiste. La description qu'en donne la notice du musée souligne l'ambiguïté de la sculpture qui évoque non seulement la fertilité de la maternité, en raison de la poche pleine d'oeufs qui se trouve sous l'abdomen de la bête, mais aussi une certaine crainte vis-à-vis cet insecte qui suscite souvent des phobies.  La psyché de Louise Bourgeois était pour le moins complexe, à l'image de son histoire familiale.



Amartia est à l'origine de cette pléthore de photographies!





mardi 28 août 2012

Ma mère et l'eau

Le port de Montréal, car je n'ai pas de photo du lac Magog!!!




Petite entrée en matière

J’ai sept ou huit ans et je fais les quatre cents coups avec mon ami André qui passe l’été dans le chalet en face de ma maison : nous explorons le ruisseau au milieu des orties, et il hurle à la mort lorsque sa mère le badigeonne de mercurochrome; nous montons par le poteau de téléphone sur le toit du hangar, puis nous sautons en imitant Batman; il me flanque à l’eau pour m’apprendre à nager ou me pousse vigoureusement dans le dos en criant : «Pédale!» pour que j’arrive à me tenir en selle sur ma nouvelle bicyclette… Comme nous sommes inséparables et de la même blondeur, on nous prend pour frère et sœur, et ma mère en profite pour m’envoyer avec lui chez le dentiste : première visite à vie pour moi…

Afin de m’encourager, on décide qu’il passera le premier : vous savez, lorsqu’autrefois on égorgeait le cochon? Mes tantes m’ont raconté qu’elles détestaient aller à l’école ces jours où l’on faisait boucherie, car, dans chaque ferme, c’était des cris à fendre l’âme.  Je suis tellement rassurée, lorsque vient mon tour, qu’on doit me chloroformer! C’était une autre époque.

Les crapets-soleil
Exploit montrable

Ce matin-là, remis de nos émotions dentaires, nous décidons d’aller pêcher le crapet-soleil puisque la rivière, qui n’est pas très loin, en regorge.  Je connais pourtant bien cette Rivière-des-prairies.  Ma mère, qui ne sait pas nager, m’a mise en garde à de multiples reprises.  J’ai cependant déjà, ce qui n’a pas changé d’un iota, une tête de mule carabinée et j’ai décidé que j’allais pêcher le crapet-soleil avec André.
Ma mère m’a cherchée et elle a fini par me trouver.
Cinq pieds et sept, c’est bien assez pour me cacher le soleil : je n’entends pas ma mère approcher, et aucune parole n’est proférée, mais je vois tout à coup une ombre au-dessus de moi, et ce ne sont pas des nuages.
Je n’ai aucun souvenir du trajet de la rivière à la maison.  Ma mère ne m’a pas parlé, elle ne m’a pas touchée, mais, comme on dit ici, j’ai l’impression de ne pas avoir porté à terre. Disons qu’à ce jour, plus de quarante ans plus tard, alors que les cendres maternelles sont depuis bien longtemps mêlées à cette terre, je ne suis jamais retournée pêcher le crapet-soleil ou autre chose.

Marin émérite vous dites?

La peur maladive de l’eau de ma mère s’est à nouveau manifestée quelques années plus tard dans un épisode d’anthologie qu’il aurait fallu filmer.

J’ai dix-sept ou dix-huit ans, l’âge de tous les possibles, et je viens de découvrir la voile qui me fascine.  Comme je ne me mouche pas avec des pelures d’oignon, c’est sur un long voilier de compétition que je fais mes débuts, un Catamaran avec ses deux coques.  Je vogue donc, tignasse au vent, grisée par la vitesse, sur le petit lac Magog avec la fille du propriétaire de l’embarcation, Chantal.
À l’époque, le détail est d’importance, je pèse quatre-vingt-dix-neuf livres mouillée et tout habillée.  Même chose pour Chantal.
Nous naviguons donc, par un jour de grand vent, penchant dangereusement le Catamaran, pour le plaisir d’avoir peur juste ce qu’il faut.  Un peu d’eau pénètre dans le bateau, mais nous ne prenons pas la peine d’écoper, tout au plaisir de fendre les flots à vive allure.
Tout à coup, le voilier ne fait ni une ni deux, et coule tout bonnement, entraîné par le poids de l’eau amassée dans la coque.  Par manque d’expérience, nous n’avons pas donné le petit coup qui aurait permis de détacher la grand’voile avant que le bateau ne s’enfonce.  Elle se remplit donc à son tour d’eau.  Chantal et moi avons beau sauté sur la quille pour tenter de redresser le bateau, nous ne faisons littéralement pas le poids.
À ce stade-ci, vous vous demandez peut-être où est ma mère puisque ces petits récits doivent la mettre en scène… Elle est, depuis le début, sur le quai, à bonne distance, derrière un télescope!  Elle surveille sa progéniture et, en assistant à l’épisode décrit plus haut, elle se met à trépigner, à faire la danse de St-Guy, à gesticuler sur le quai.
Du milieu du lac, inatteignables que nous sommes, nous la regardons benoîtement s’agiter…

C’est finalement le père de Chantal qui, avec une embarcation à moteur, s’est approché pour décrocher l’extrémité de la voile; l’eau qu’elle contenait libérée, nous avons enfin pu redresser l’embarcation, repartir et accoster assez loin de notre point de départ, le vent un peu fort nous ayant empêché de manœuvrer comme nous l’entendions.  Nous avons donc dû marcher sur des cailloux acérés pour ramener le voilier à quai.
Comme j’étais devenue à peu près de la même taille qu’elle, ma mère ne pouvait plus m’impressionner en me cachant le soleil.  Elle s’est tout de même vengée en me faisant croire que mes blessures au pied allaient s’infecter et que je mourrais en décrivant l’arc du terrible tétanos pour lequel je n’avais pas été vaccinée.  Casse-cou mais légèrement hypocondriaque, j’ai passé une très mauvaise soirée!






P.S. Petit ajout pour Michelaise... sauf que, maintenant que j'ai vu la bête, je ne sais plus si c'était des crapets-soleil ou de la perchaude... je me tâte...






Ces deux  images proviennent du site des ressources naturelles et de la faune du Québec . Le premier poisson est une perchuade et le second, un crapet-soleil...